Bris de verre et éclats de génies, Banlieues Bleues fait claquer Eric Chenaux et Mhysa
Si vous êtes en quête de passeurs musicaux, de ceux qui font s’effacer les genres et les limites connues, aussi bien Mhysa qu’Eric Chenaux vont vous transporter assez loin de votre zone de confort et du ronron de la bande FM.
Double affiche à la Dynamo de Banlieues Bleues à Pantin ce soir, avec le guitariste et chanteur atypique canadien résident à St-Denis, Eric Chenaux, et Mhysa, la soul queer en provenance de Philadelphie, pour une soirée sons d’ailleurs en mode nouvelle soul et fracas grime. Puis, direct dans l’éther d’une voix si haute qu’elle tutoie l’Olympe, quelque part en Nick Drake et Robert Wyatt.
Biberonnée au r’n’b, la philadelphienne Mhysa n’en fait - avec bonheur - qu’à sa tête, en artiste assumée de l’ère digitale et figure de la scène underground queer afro-féministe. Mhysa est une chanteuse trouble et languide qui emmène la soul dans la quatrième dimension en collant des baffes à l’héritage du genre. La soul d’hier en ressort essorée, low-fi et sci-fi, à l’image de son premier album événement de 2017, le vénéneux Fantasii. Son labyrinthe musical, à base de voix déformées, de nappes synthétiques barrées Prince, de sons de verre brisé et d’assiettes ébréchées vous mettront à la table des beats grime pour danser collé au plafond. En la mangeant du regard.
A la sortie de son album, elle déclarait: “Avec Minty's Interlude, je m’attaque au suprématisme blanc, pour dire combien le peuple noir à été terrorisé durant la période de l’esclavage ceux qui doutent peuvent se procurer le magnifique Underground Railroad de Colson Whitehead). Je n’abandonne pas la rage qui m’anime, mais j’ai actuellement plus besoin de joie et d’un esprit aiguisé dans ce combat à long terme qui concerne tous les noirs. Nous avons vécu avec cette guerre latente toute notre vie, plus spécialement les femmes, une guerre commencée au débarquement du premier esclave, et même si le combat est loin d’être terminé, nous devons réapprendre à vivre et nous en réjouir.” Son album fait partie des dix meilleurs de la décennie en cours…
D’une toute autre tradition, Eric Chenaux a sorti l’an passé Slowly Paradise, remarquable album avec Bass Clef. Ce musicien issu de la scène expérimentale de Toronto est résident français depuis des années et a décidé de pousser l’improvisation, comme d’autres le bouchon. Chenaux apparaît en marge de certains courants – pourtant d’avant-garde – de la ballade folk, pop et jazz, comme une anomalie. Sa musique est merveilleusement chaleureuse, généreuse et fondamentalement accessible, en dépit de son irréfutable iconoclasme. Ainsi, sa guitare joue à côté de, voire contre sa voix, défiant les codes les plus élémentaires de l’harmonie et de l’euphonie. Il improvise « avec lui-même », comme dédoublé, cherchant sans cesse à se surprendre (et à surprendre ses auditeurs). Les rubans de voix et d’instruments qu’il déroule semblent indépendants en apparence : ce pour mieux capturer – et se laisser captiver par – les instants imprévus d’intime dépendance : c’est une définition de la liberté comme état profondément intentionnel d’ouverture, de présence et de jeu. Avec Bass Clef, il a trouvé un partenaire électronique qui souligne ses ambiances et les développe, enrichissant le son en apportant de nouvelles dimensions à l’étrangeté de sa musique. Pour nous, ça confine au sublime… On y sera.
En découvrir plus sur Eric Chenaux, ici
Jean-Pierre Simard le 29/03/19
Éric Chanaux et Bass Clef + Mhysa 29/03/19 à 20,30 h
La Dynamo de Banlieues Bleues 9, rue Gabrielle Josserand 93500 Pantin