Champs-Élysées - la vision d’un photographe

Hier, j'étais pour Libération sur les Champs Elysées. Beaucoup de dégâts, beaucoup de violence, mais surtout beaucoup de monde. La violence politique ne fait plus peur. En effet, si tous ne participaient pas, nombreux étaient ceux qui restaient.

Si l'Etat gagne à court terme les élections européennes, il ne se rend pas compte à quel point il a perdu à long terme. Sur ces mois, j'ai vu une véritable cohésion de groupe se créer. Il s'agit d'un groupe informel, d'une communauté créée dans l'action, qui partage un même ras le bol et des références anti-élite ainsi qu'un appel à la démocratie directe et à la justice fiscale. Certains discours sont aussi nationalistes, d'autres de la mouvance anarchiste ou autonome.

Au coeur de ces différences, une culture et une pratique communes de la confrontation se sont mises en place. Les manifestants ont appris à s'entraider, s'équiper, se défendre et attaquer. Il ne s'agit pas de quelques centaines de black bloc. Les moins radicaux à la base ont appris au contact des plus habitués. Hier, 10 à 15 000 personnes emplissaient les Champs Elysées et la place de l'Etoile.

C'est un tournant dans la pratique des mouvements sociaux. Par cet apprentissage, les prochaines contestations risquent d'être plus préparées, plus violentes, plus dans la confrontation. De l'absence d'écoute et de dialogue social est née une nouvelle forme de mouvements sociaux que nous retrouverons dans les années à venir.

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Yann Castanier