Unir, contre l'injuste, nos forces libres, par Guillaume Benoît

En temps de revendications aussi légitimes qu’assourdissantes dans les dérives contradictoires et (parfois) contraires aux ambitions émancipatrices de toute lutte sociale d’envergure, la création paraît plus que jamais constituer le miroir complexe et foisonnant d’une pensée de révolte contre les dominations et assignations iniques de sociétés inégalitaires.

Pétri de ses propres contradictions, le monde de l’art contemporain, en matière économique, cristallise des inégalités tout aussi significatives qui rappellent la précarité de nombre de ses acteurs. Si peu d’entre eux sont prêts à se revêtir d’un gilet jaune, c’est plus certainement par doute de la multitude de symboles qu’il véhicule que par conformisme.

L’art d’aujourd’hui, dans toutes ses formes, continue de porter les questions de la révolte, de la reconnaissance des minorités, du goût de l’équité comme il le fait à grande échelle depuis le milieu du XXe siècle. Pas par un idéalisme naïf et bon teint mais bien parce que, dans la diversité de ses approches, de ses humeurs et de ses positions, il est travaillé par une soif de liberté, de vie en communauté possible qui impose le déchirement de préjugés et des généralisations primaires qui sont autant de barreaux posés sur l’imaginaire et dont le confort qu’elles distillent n’est qu’un trompe-l’œil du bonheur d’une vie sans effort. L’éveil à la diversité, la compréhension de la différence n’ont rien de politiquement correct, elles sont le fondement d’une pensée lucide et structurée, un rempart face aux discours inaudibles parce que stupides qui confondent la chaîne de causalité des événements et qui, du fait de leur substituabilité selon les humeurs et les peurs, ne portent que la vanité des « martyrs » qui les profèrent. Ces réductions et leurs causes sont à combattre ; l’art contemporain, en tant qu’émanation d’une culture en mouvement, y a sa part.

Qu’on y adhère ou non, qu’elles nous secouent ou nous invitent à un voyage poétique, les démarches artistiques contemporaines nous entraînent à la rencontre de mondes qui entrent en résonance avec le nôtre en soulignant chaque fois la même chose ; la nécessité d’en percevoir le mouvement et l’accompagnement libre face à son changement. Une sérénité qui n’empêche pas la responsabilité et par conséquent, la révolte. Loin d’être déconnecté des enjeux premiers de la vie sociale, l’art contemporain y ancre sa sensibilité, son champ d’action et sa raison même et devrait, plus que jamais, continuer de nous accompagner tous, au plus près et pour le plus grand nombre, pour se faire la caisse de résonance de luttes qu’il est urgent de relayer, autant que de questionner.

Subvertir au final, le mépris insupportable de certains représentants symboliques de l’inégalité économique par l’attention et la problématisation de ses conséquences afin d’unir, contre l’injuste, nos forces libres.

Guillaume Benoit , édito 45 de Slash Magazine