Encore un peu d'Aspirine avec Joann Sfar ?

Sfar qui avait dernièrement déçu revient avec une nouvelle aventure d'Aspirine. Et, après un décollage laborieux, renoue avec verve et maestria. On s'explique.  

Après Petit Vampire et avant de donner une suite à L’Ancien Monde, Joann Sfar poursuit la relecture de ses anciennes bandes dessinées. Mais alors que pour Petit Vampire, il se prête plutôt à un simple relooking des premiers albums, voilà qu’il récupère le personnage d’Aspirine dans son excellente série Grand Vampire, pour lui donner une nouvelle vie. Pas étonnant pour une suceuse de sang immortelle, a priori. Elle erre depuis trois siècles dans la peau d’une gamine de 17 ans aux cheveux rouges, dans l’ombre de sa grande sœur sexuellement gourmande Josacine, et ne trouve point de sens à cette si longue vie. Du coup, elle fréquente les philosophes. Mais ça ne suffit pas à calmer ses angoisses et sa colère, et elle finit toujours par boulotter des humains. Peut-elle trouvera-t-elle des réponses auprès de ce jeune roliste timide et transi d’amour ?

Aux premières pages de ce nouvel album présenté comme un tome 1, on retrouve avec grand plaisir le Joann Sfar léger d’il y a bien longtemps, dans le ton et le dessin, lâché mais tout en maîtrise narrative. Puis arrive son Aspirine et avec elle le besoin, pour le lecteur, d’en avaler une dose, pour éviter le mal de crâne. Et l’énervement de devoir lire de longues diatribes sans queue ni tête, comme des envolées de petit malin sur les grands philosophes ou des chroniques d’éditorialiste radio en roues libres, qui ne collent que de loin à l’univers de sa BD. Elle a beau égrener les grossièretés et les phrases chocs, cette parfaite anti-héroïne d’Aspirine, on enrage devant ces élucubrations, malgré un dessin au charme fou, aux couleurs élégantes de Brigitte Findakly. Mais ouf, dans la seconde partie, exit la logorrhée auto-satisfaite, place à l’aventure humoristique, où les références à Lovecraft remplacent celles à Sartre, et où les petites scènes inventives et pleines d’énergie viennent redonner vigueur à l’ensemble. 
 

Sans jouer la nostalgie à outrance, c’est ce Sfar-là qu’on aime, piquant et décalé, laissant avancer son récit avec une certaine décontraction, tout en glissant des choses plus profondes mais sans les asséner avec une vulgarité surjouée. Drôle, romantique, léger, mais pas idiot : l’auteur aurait-il retrouvé la recette d’une bonne BD ? On l’espère très fort.

Mitch Ryder le 12/06/18

Joann Sfar - Aspirine - éditions Rue de Sèvres