Le documentaire nippon engagé s'affiche au Paume avec Shinsuke Ogawa & Ogawa Pro

La rétrospective quasi intégrale de l'œuvre de Shinsuke Ogawa présente les films les plus importants réalisés avec le collectif cinématographique Ogawa Productions, fondé en 1968 au milieu des révoltes étudiantes et d'autres plus tardifs, mais tout aussi prenants. 

Membres du collectif Ogawa Pro, Masaki Tamura, Yoshio Shimizu, Mareo Yumoto, Shinsuke Ogawa, Katsuhido Fukuda (1970) © Courtesy du Centre culturel de l’Athénée français, Tokyo

Shinsuke Ogawa (Tokyo 1936-1992) est une figure majeure du documentaire. Son œuvre et sa pensée occupent une place unique dans l’histoire du cinéma japonais. Profondément engagés, ces films relatent avec passion et obstination les bouleversements politiques et sociaux qu’a connus le Japon dans les années 1960 et 1970. Pendant plus de trente ans, les membres de ce collectif vont vivre et travailler ensemble, s’efforçant de prendre des décisions en communauté et cherchant une autre façon de faire des films et de les montrer. Ils lieront d’étroites relations avec les personnes qu’ils filment, et avec qui ils vivent et travaillent longtemps.

Ogawa Pro Sanrizuka – Les paysans de la deuxième forteresse  © Courtesy du Centre culturel de l’Athénée français, Tokyo

Les documentaires d’Ogawa Pro peuvent être regroupés en trois grandes périodes : les premiers films indépendants d’Ogawa témoignent de l’énergie des mouvements de contestation étudiante dans le Japon de la fin des années 1960.
Lors d’une deuxième période, dans les dix années qui suivent, Shinsuke Ogawa et les membres du collectif s’installent dans le village de Heta, dans la région rurale de Sanrizuka, près de Tokyo. Entre 1968 et 1977 ils y produisent une série de films, chroniques du long combat des paysans et d’autres forces solidaires contre leur expulsion face au chantier de construction de l’aéroport international de Narita, et sous la répression brutale de l’État.
Enfin, après avoir perfectionné leurs méthodes et fait preuve d’une profonde empathie avec les paysans, le collectif s’installe dans le hameau de Magino, dans les montagnes de la préfecture de Yamagata, au nord du pays. Ils y vivront en communauté et travailleront dans les rizières pendant de longues années. Avec méticulosité, ils réaliseront d’extraordinaires longs métrages sur l’agriculture, la vie du village et l’histoire ancienne et moderne du Japon.

Ogawa Pro Sanrizuka – Le village de Heta  © Courtesy du Centre culturel de l’Athénée français, Tokyo

Le cycle inclut également trois documentaires sur le collectif qui permettent au public de mieux appréhender la pensée de Shinsuke Ogawa, les méthodes de travail du collectif mais aussi les tensions entre le travail de direction et le travail collaboratif qui imprègnent toutes les réalisations du groupe. Le Jeu de Paume a le plaisir d’accueillir Toshio Iizuka, cinéaste et membre d’Ogawa Pro, depuis le quasi-moment de sa fondation, pour parler du travail du collectif.

 Le cinéma d’Ogawa Pro est bien un cinéma pour aujourd’hui, sa politique a gagné en force. Hétérodoxes au cinéma militant de son époque (notamment maoïste, au Japon et ailleurs), les questions qu’il pose nous sonnent clairement à l’oreille : comment la nécessité de défendre et protéger ce qui existe, et qui est en voie d’être détruit, contre les assauts d’un monde en marche, devient à un certain moment le combat révolutionnaire le plus avancé, le moins conservateur et le moins réactionnaire ? 

Ogawa Pro L’Histoire du village de Magino  © Courtesy du Centre culturel de l’Athénée français, Tokyo

Gilles Dalose le 4/04/18

Rétrospective Shinsuke Ogawa & Ogawa Pro ->28/04/18
Jeu de Paume  1, place de la Concorde, 75008 Paris