Leïla Martial & Marie Pascale Dubé à gorges déployées !

Le 13 avril dernier à l’Atelier du Plateau, Leïla Martial invitait Marie-Pascale Dubé. Nous y étions, suspendus à leurs voix nues. Et, de ce concert, il reste un souvenir qui brille encore de mille feux.

Au fond de l’impasse de la rue du Plateau, l’éponyme atelier n’est pas encore ouvert. De la fenêtre entr'ouverte, une petite voix nous renvoie  : « on ouvre à 19 h 40. » Nous rebroussons chemin et partons faire un tour plus loin.

A l’ouverture, nous prenons les deux premières places sur la gauche d'une scène/piste figurée d'un simple drap disposé en cercle.

L’accueil est chaleureux à L’Atelier du Plateau, nous partageons un verre de vin, un plat fait maison et une parfaite convivialité.

Photo Richard Maniere

Nous prenons place en évitant la jungle de micros car, ce soir, France Musique, enregistre la performance pour l’émission « A l’improviste » de Anne Montaron. Le maître de cérémonie Matthieu Malgrange donne le ton en présentant la résidence de Leïla Martial avec Marie-Pascale Dubé, avec chaleur et enthousiasme. Et, quand  les artistes débarquent sous la lumière, le silence s'affiche aussi beau que palpable.

Nous avons « rencontré* » Marie-Pascale Dubé lors d’un entretien avec Raphaëlle Tchamitchan pour Diagonale Sonore. Elle pratique le chant diphonique inuit, un chant de gorge. Elle raconte son histoire singulière dans un film « Rouge Gorge » (actuellement en post-production, nous y reviendrons)à propos de la voix comme instrument, lien avec l’autre et histoire qu’on transmet… Au-delà de notre fascination pour sa technique, les sons, les timbres et l’animalité du chant nous bouleversent.

Nous découvrons sur l'instant Leïla Martial, grande vocaliste de jazz, pour la première fois en live et sommes impatient d’écouter ses circonvolutions, ses folles onomatopées, ses sons et ses bruits issus de son seul instrument infini : sa voix.

Face à face, elles se prennent les bras et commencent le « jeu » où quelques secondes suffisent pour « s’entendre» et s’engager sur des voies profondes, envoutantes et respirantes, en des contrées encore jamais atteintes. On touche à l’âme de la terre, au chant des fleuves immenses et des petits rus qui filent sur les pierres sans âge. C’est la toute première bouffée d’oxygène natale, la chair d’une caresse infinie qui vous frôle en vous enveloppant tout entier. Mais c’est aussi le cliquetis de l’eau qui cogne contre la fenêtre; le rythme d’un battement d’aile et de son repos.

Photo Richard Maniere

Dès les premiers instants nous sommes tout cela à la fois, avec elles. Leur voix nues, crues, figurent l’intimité du chant. Ce qui se lie se délie, se tisse, se plie et se déplie, se noue et se dénoue, se joue et se déjoue nous entourant, nous emportant, en nous élèvant.

Pour instant, à l’intérieur même de leurs voix, jamais à l’unisson mais intimement mêlées: elles changent l’espace, secouant tour à tour les atomes du vide…

Leur « virtuosité » se pose sans jamais trop en faire, le silence de l’une faisant place au déploiement de l’autre. Elles disent, dans cette subtile danse immémoriale, toute l’humanité et l’acceptation des différences pour que les joies s'unissent. Et nous ce soir, dans le bonheur, d'assister à la délicate et joyeuse conversation sonore, d'une  mélodie aussi intime que ténue, sur le fil de leurs cordes vocales.

Photo Richard Maniere

À gorges déployées, elles racontent  les chemins parcourus par une humanité qui se cherche encore. Manifeste de ce duo impromptu, cette invitation à écouter l’autre fait signe et, de nous, pour un temps, les témoins de tous ses possibles.

Richard Maniere le 26 avril 2018

Leïla Martial & Marie-Pascal Dubé
Diffusion à 23 heures sur France Musique
dans l’émission de Anne Montaron « à l’improviste »

https://www.francemusique.fr/emissions/a-l-improviste/a-l-improviste-a-l-atelier-du-plateau-60723
Disponible en Podcast.