Jacques Kebadian : les fantômes de mai 68 sont avec nous
A voir en ce moment à Photo Doc une minute du film de Jacques Kebadian et Jean-Louis Comolli “Les fantômes de Mai (68)” 1440 petits tirages n&b issus du film recouvrant les murs de la galerie, replongeant le regard dans toute la verve de l'énergie insurrectionnelle de 68, d'une justesse admirable, pour moi de loin la meilleure exposition cette année parce que vivante et loin des intentions mémorielles un peu passéistes et un peu trop conformisantes...
L'histoire se creuse ici dans ce mouvement puissant des foules comme un océan où se forme, sous le vent , une lame de fond qui part des profondeurs de l'inconscient et du refoulé, portant une énergie folle et sage, (la figure de la tragédie apparaît à travers un visage féminin à la Callas, Pasolini) le retournement du Maître et de l'esclave (Hegel, Marx) et brise les conformismes liés à la domination de classe. Ceci est de bien loin supérieur à une forme d'“archéologie de l'histoire", les traces de la mémoire, très intéressantes mais découplées en partie de l'énergie de la rue, du projet révolutionnaire qui traversa Mai de la grève générale à l'occupation de la Sorbonne. A Photo Doc, cette énergie est sur les murs dans toute sa puissance sans pari esthétique parce qu'issue d'un film, comme Eisenstein..., où se lit cette verve d'hier et d'aujourd'hui, dans une transe où surgit toute la vie politique comme une nervure et un sang pour détruire ces chaines de l'aberration de la marchandise et du processus de réification. Ici la LIBÉRATION est un acte majeur et vivant, parce qu'il s'exhume du chaos social aux prétentions faussement démocratiques, aux fantômes de la liberté (Bunuel) et qu'il fait surgir l'inversion possible de tous les conditionnements dans une Libération des chaines. Acte militant s'il en est... recouvrement des classes opprimées comme sujet de l'histoire et non plus comme objet du système.... Superbe expo.
Pascal Therme
Du 6 décembre au 12 janvier 2018 la Photo Doc. Galerie expose près de 1500 photogrammes de Jacques Kebadian et son film, Soulèvement (interruption entre le 22/12 et le 3/01, la galerie reçoit sur rdv)