Le New Folk Sound of Terry Callier ressuscité !

Comme souvent avec le gens célèbres, c’est sur le tard qu’on va creuser à la cave pour voir d’où le génie est sorti. Et ici, avec Terry Callier, on est tout sauf déçu, car son premier album prévu en 1965, mais sorti en 1968 casse la baraque à plus d’un titre - et ressort avec 15 titres au lieu des 8 d’origine. Bonheur !

Si sa carrière internationale a vraiment décollé dans les années 90 où il a occupé le devant de la scène avec son style inimitable, c’est surtout qu’on l’a redécouvert en Europe à ce moment-là, alors qu’il était actif depuis 1965 - comme le prouve cet album augmenté qui ressort chez Prestige.

Avant de faire sa réputation d’auteur-compositeur chez Chess/Cadet, à écrire pour les Dells et Rotary Connection (featuring Minnie Riperton), puis d’enregistrer ses propres albums époustouflants des années 70 et suivantes, on trouve les premières traces de l’œuvre chez Prestige avec cet album qui aurait du trouver sa place dans le renouveau folk us de l’époque, mais qui n’a été pas reconnu comme tel à ce moment (Simon & Garfunkel ont attendu aussi quelque temps la reconnaissance, les deux apprenant leur succès à la radio alors qu’ils faisaient la route à l’étranger, déçus de leur insuccès américain…)  

Une petite raison à cela ? Si l’album est constitué en grande partie de répertoire traditionnel anglais et américain, c’est la formulation qui a du choquer à l’époque, avec une guitare, une voix et deux contrebasses, celles de Terbour Attenborough et John Tweedle. S’il était vraiment sorti en 1965, come cela était prévu, il aurait figuré au même palmarès que ceux des Joan Baez, Eric Andersen et Judy Collins. Mais voilà, il est sorti en 1968, alors que le psychédélisme avait dépassé le folk pour imposer l’électricité et les groupes en lieu et place des chanteurs, même si déjà le country-rock pointait ses santiag chez Byrds et consorts. Il lui faudra attendre 1972 et son arrivée chez Chess pour percer et balancer ses classiques comme Occasional Rain. Mais là, il aura changé de méthode et engagé le pianiste-arrangeur Charles Stepney pour mettre des couleurs et des arrangements scintillants à ses compositions. S’ensuivirent What Color Is Love (1972) et I Just Can’t Help Myself (1974). Même le virage commercial entamé chez Elektra à la fin des 70’s ajoutera quelques perles au collier comme “Disco in the Sky” de 1978’, sur Fire and Ice), ou le très engagé “Martin St. Martin”). Ce, avant de se consacrer un temps à la programmation informatique et l’étude de la sociologie; et d’amorcer le retour définitif des années 90 avec la génération acid-jazz.

Mais bon, revenons au New Folk Sound … un black qui joue du folk - c’est quoi ça en 1965 ? Comment vendre ce machin à une Amérique en pleine révolte des Droits Civiques ? On a quelquefois défini sa voix comme un charbon soyeux… Pas faux, tout comme le fait qu’il tire ici le folk classique vers le jazz et le blues. On l’a aussi surnommé le Coltrane du folk et c’est assez juste pour ses œuvres des années 70 ( checker l’usage qu’en fera John Martyn sur Solid Air )

Ce qui marque vraiment ici c’est d’abord la prononciation si particulière et précise du monsieur, tout comme sa relecture des traditionnels qu’il tire vers des rivages inusités sur “Spin, Spin, Spin” dont les rythmes varient de 4/4 en 2/4 et 6/8; de quoi réjouir les fans de Pentangle ( il en reste !.) L’album de 1968 comportait 8 titres et icelui arrive avec 15 au compteur, reprenant des titres apparus sur des versions allongées dont “Jack O’Diamonds” et “Golden Apples of the Sun”), le reste étant constitués de versions alternatives de l’original (Promenade in Green, 900 Miles, Be My Woman, It’s About Time et Oh Dear, What Can The Matter Be. )

Au finish, on obtient un album qui subvertit les règles du folk traditionnel pour le pousser ailleurs, vers le blues et le jazz comme le fera Van Morrison en solo avec Moondance. A la différence que Terry Callier ne trouvera la reconnaissance que des années plus tard. Mais bon, être black avec du talent et des choses à dire aux USA, ce n’est pas gratuit pour tout le monde, quand en 1965, on pend encore dans le Sud. Pour moins que ça… 

Jean-Pierre Simard le 8/11/2018

The New Folk Sound of Terry Callier ( Prestige)