Une sécheresse certaine avec Puce Mary

Si on vous parle ici assez peu de musique expérimentale indus, c’est qu’on trouve le genre assez quadrillé depuis des années. Mais en bon fan de TG, des Cabs et de Coil et de la galaxie Nurse with Wounds, on ne pouvait passer sous silence le nouvel album de la Danoise Frederike Hoffmeier aka Puce Mary, sobrement intitulé The Drought ( la sécheresse) et qui sort chez Pan recording.

Connue dans le milieu pour ses prestations scéniques inouïes, la jeune femme enchaîne, depuis 2013, les albums et les collaborations. Elle a gravé son electro-indus expérimental sur Persona (2013), Fear and Pleasure (2014) avant de recevoir des éloges de la part de la critique pour The Spiral en 2016. Ici, on repart des origines de l‘indus pour donner les angles d’attaque de sa musique qui hésite entre contrôle et abandon, distorsions et vagues bruitistes pour mettre à jour une douleur du/au monde. Une certaine sécheresse donc qui aurait compris les arcanes de la techno et s’en servirait pour actualiser le son du côté contemporain de la chose ( elle a collaboré avec l’INA, c’est à noter !)

Et comme Cosy Fan Tutti avant elle, elle en profite pour parler femme dans un contexte inhabituel, à délivrer à l’auditeur une certaine expression des peurs et angoisses primales, illustration d’émotions et de sentiments mécaniques. Usant de fréquences abrasives bien noisy, et de déclamations chamaniques fiévreuses de prêtresse punk d’un même mouvement, avant de balancer la purée par de grandes expérimentations DIY.  

Cette fois-ci, pour The Drought, le parti pris est d’apparaître autrement plus subtile et minutieuse en terme de compos et de production, et d’offrir quelque chose de plus assuré en terme de présentation et d’habillage. L’ensemble gagne en détails et en subtilités sur le principe mais perd un peu de sa puissance brute. Comme si les niveaux d’intensité avaient été volontairement lissés à l’excès, et que justement tout ce qui se voulait détaillé apparaît finalement homogène à la première écoute. C’est dérangeant pendant la grande majorité du disque, hormis sur l’enchaînement Coagulate/The Size Of Our Desires où cette sensation de tourbillon en cicatrisation sauvage est du plus bel effet, avec des effluves de Masks Are Aids échantillonnés de bien belle manière. 

Certains y voient une certaine déroute par l’affinage du propos quand les autres y trouvent l’approche d’un autre son. Et, à y bien réfléchir, la Puce gagne par KO sur la globalité de l’album qui n’offre aucune porte de sortie à un univers impitoyable et lui fait mériter la dernière étiquette en date de Death industrial qui colle parfaitement à l’album.

C’est beau comme un conseil des ministres du gouvernement Macron II, dont on entendrait enfin le vide à l’intérieur des têtes. Mais, comme disait Nicolas Jaar : “Space is only noise!” Chaudement recommandé pour lutter contre l’endormissement sensoriel.

Jean-Pierre Simard le 6/11/2018

The Drought - Puce Marie / Pan Recordings