Stretch, la peau recousue des œuvres d'Alexandra Bircken

Certains tailladent la peau d'un rêve pour faire œuvre. D'autres, comme Alexandra Bircken, en retissent la peau. Toutes les peaux. Toutes les matières, tissus ou objets qui passent à portée sont ainsi refaçonnés pour dire autrement la douleur d'être et de devoir s'écorcher sans cesse.

Alexandra Bircken - Rocking Yamaha

Alexandra Bircken, Janus, 2016 Collage numérique — Janus et mur de briques. Courtesy de l’artiste

« La peau est notre plus grand organe et aussi ce que nous voyons quand nous nous regardons. Ce que nous avons de plus profond, c’est la peau. Notre vulnérabilité s’y dessine. La douleur. Notre peau participe à chacun de nos mouvements. S-T-R-E-T-C-H. Toute une vie durant. Imaginez. À chaque mot, nos lèvres s’étirent. Nous avons l’habitude de percevoir nos corps et les objets comme un tout, avec une couche, une housse. Et le choc n’est pas loin quand ce revêtement qui protège, habille, cache et représente est absent ou coupé en deux et se révèle. C’est drôle, non ? Je m’intéresse à la structure, à la nature, à la fonction qui devient alors visible. Qui recèle une vérité. Une authenticité. Quand on fait une incision dans la peau, on peut la recoudre. Le corps guérit et fonctionne de nouveau. Mais il reste une cicatrice qui rappellera la blessure pour toujours. Le corps est alors autre. Je suis autre. »

Alexandra Bircken (née en 1967 à Cologne) met au cœur de sa pratique sculpturale le corps et ses enveloppes. Formée au stylisme au St. Martins College à Londres, elle coupe, sépare, détache, déchire et démembre autant qu’elle coud, tisse, tricote et assemble. Dans le corpus d’œuvres présentées, l’apparente fragilité de matériaux doux et transparents— laine, nylon, cheveux — côtoie la permanence et la résistance du bronze et de l’acier. Les moulages d’organes féminins comme les combinaisons accidentées de motards se transforment en fragments de corps autonomes. Archétypes de la puissance, les motos et les armes à feu sont sculptées et sectionnées, désactivant et revalorisant leurs iconiques performances.

Alexandra Bircken

Alexandra Bircken - Drape

Après Annette Messager ou Nikki de St Phalle, Alexandra Bircken fait feu de tous nœuds pour retisser une autre histoire et une pratique féminine/féministe. Plus que passionnant.

Marcel Nietzschele

Vue de l’exposition «Stretch», d’Alexandra Bircken. (PHOTO ANDRÉ MORIN LE CRÉDAC. COURTESY GAL. BQ (BERLIN) ET HERALD ST. (LONDRES))