The Sunshine Makers, l'histoire du meilleur LSD du monde

Au milieu des années 60, à la suite de Timothy Leary, certains ont voulu évangéliser le monde à grands coups de LSD. Les deux hommes en question, Nicholas Sand et Tim Scully, ont ainsi décidé de fabriquer des millions de doses de l'acide le plus pur jamais confectionné -  l'Orange Sunshine. Mais c'était sans compter sur la vigilance du FBI qui les a traqués jusqu'à les faire emprisonner en 1969.  Comme ils ne se sont pas laissés faire, The Sunshine Makers raconte l'histoire par le menu. Le documentaire est l'œuvre de Cosmo Feilding-Mellen et Allison Brownmoore, déjà responsables du fameux Searching for Sugarman. La BO est signée des Heliocentrics.

Envisagé comme une ode à la contre-culture et employant la fiction et le documentaire pour développer son propos The Sunshine Makers revient sur une période durant laquelle beaucoup ont estimé la transformation du monde possible par l'expansion de la conscience. En allant à la rencontre de son être intérieur, en développant une vraie connaissance de soi , à la rencontre des autres et en harmonie avec eux, l'illusion de la société de consommation disparaissait d'un coup, laissant l'espace à d'autres priorités. Si cela peut sembler un peu gnan-gnan en 2017, l'avoir vécu au milieu des années 60 signifiait tout autre chose, à se sentir en phase avec un vortex de conscience qui a créé la culture psychédélique en bousculant les frontières sensorielles en cours et en repoussant les limites de la personnalité de chacun. 

Sauf que le FBI ne voyait pas exactement les choses de cet œil, accusant les chimistes de vouloir mettre à bas la société (quoique…) et de faire des millions dans la plus totale illégalité. En traquant les fabricants, ils ont convaincu un des juges les plus répressifs des USA de statuer sur leur sort et les ont ainsi collé en prison pour 15 ans. Contre témoignage à charge, comme d'habitude, leur banquier a été blanchi, mais les deux chimistes ont décidé de se défendre…  Au final, une belle histoire qui remet en lumière, les enjeux de la période 65/72 et montre les deux septuagénaires actuels, tranquilles dans leurs baskets et toujours aussi contestataires. Comme quoi … 

On vous avait signalé au printemps la sortie du A World of Masks des Heliocentrics, groupe de jazz psyché qu'on adore, travaillant avec des voix sur leur dernier essai, mais on découvre cette semaine, qu'avant ils avaient conçu cette BO magnifique, à l'instar du travail réalisé pour The Trip de Roger Corman par Electric Flag ou de Spirit pour Model Shop de Jacques Demy.

On connait l'amour immodéré des Heliocentrics du jazz néo-orléanais qu'ils mixent avec des beats trip-hop, des mélodies envapées, avec un beau glaçage d'effets électroniques. La BO a bien retrouvé l'esprit du temps captures sans singer le propos, proposant des climats qui sonnent juste et en adéquation avec la période prise en compte en avançant climats indianisants, fuzz ou sitar et claviers noyés dans l'acide. On croit y entendre tour à tour aussi bien des réminiscences de Love que du Jefferson Airplane, de Spirit ou du Dead, quand pas à certains moments, les dissonances du Velvet. Partis à la recréation d'un passé à recomposer, les Heliocentrics ont atteint leur but, en faisant plus vrai que vrai. Une géniale BO, un super album avec un gros son, tout en finesse.

L'aventure de Sand et Scully peut se lire comme une autre version de Breaking Bad au temps (maudit du lsd), mais c'est surtout un docu intriguant qui se termine sur l'actuelle reprise des tests médicaux du LSD sur les psychoses et comment en sortir.

Jean-Pierre Simard le 7/09/17

Le film est visible sur Netflix et iTunes et la BO éponyme : The Heliocentrics - The Sunshine Makers est dispo via Soundway Records