Floating Points nous ambiance dans le Mojave
Electro, ambient et jazz comme à l'habitude. Mais ici, Floating Points a décidé de se coller des contraintes supplémentaires en enregistrant en un lieu donné, pour en saisir au plus près les caractéristiques et profiter de l'ambiance pour construire son propos. Ce Reflections — Mojave Desert est à la fois un court-métrage et un album. Résumé.
Floating Points est un producteur vraiment doué, aussi bien comme DJ que comme homme de radio. Son premier album Eleania en 2015, avait fait sensation. Récemment, Sam Sheperd de son vrai nom annonçait un nouveau projet intitulé Reflections — Mojave Desert, un court-métrage sous la forme d’un clip géant composé de cinq titres. Silurian Blue était la première sortie liée à ce petit film. Mais on vous parle aussi de l'album qui en découle.
Réalisée par Anna Diaz Ortuño, qui avait déjà collaboré avec Floating Points sur le morceau Silhouettes, cette vidéo met en scène Sam Sheperd avec les quatre autres musiciens présents sur le projet (Matthew Kirkis, Alex Reeve, Susumu Mukai et Leo Taylor) interprétant le nouveau Silurian Blue en plein milieu du désert de Mojave, situé dans l’ouest des États-Unis. Entre deux timelapses, les artistes s’adonnent à un concert aux airs de free jazz en plein milieu de rien, pour un rendu extraordinaire. D’autres Reflections sont prévus dans différents endroits à travers le monde.
La singularité du projet et la raison du succès du groupe/producteur vient de son parti pris de ne jamais répondre aux attentes sonores. Dans un Londres qui résonnait dubstep, Sheperd se fit un nom avec des boogies déhanchés; mais dès que le auditeurs se firent à ce son, il fila derechef vers un space-jazz qui donna la matière de son premier album Elaenia. Reflections – Mojave Desert change encore la formule, puisqu'enregitré dans le désert, il profite du son ambiant pour se construire et se développer.
En moins d'une demi-heure, l'album/BO montre que Sheperd et ses boys ont toujours envie d'en découdre et de se renouveler avec une formule à cinq comprenant, en plus des claviers du leader, deux guitares, une basse et une batterie. Ce que démontre allègrement le clip avec une petite mélodie balancée aux claviers que relayent les guitares avec des notes tenues, en faisant passer le morceau d'ambient à rock sans aucun heurt.
La comparaison avec le Floyd de Live at Pompei est inévitable et, si le son du second est tenu par la guitare inventive de Gilmour, les deux du premier ne font pas le poids; sauf que c'est du côté rythmique que cela se joue ici, avec un batteur super versatile ( héritage de la house?) qui rattrape le propos à point nommé.
Floating Points est un groupe qui depuis des années joue sur l'occupation sonore de l'espace et - à ce titre- emporte tranquille le morceau vis à vis de ses illustres prédécesseurs, car les techniques d'enregistrement ont évolué. Même si Dark Side of the Moon avait profité de l'expérience d'Alan Parsons alors en pointe sur le sujet.
Pour le reste, deux titres sortent du lot : Kelso Dunes, d'abord, avec sa construction prise aux arpèges finissant le morceau précédent Kites et qui se développe comme un exercice d'ensemble reposant sur la rythmique motoric de Taylor appuyée sur la basse de Susumu Mukai laissant place aux sons de guitares très véloces, avant que Sheperd ne se décide à lever le pied pour laisser l'air du désert reprendre le pas sur le son précédent. Formidable sensation qui nous ramène aux essais de Beak et au krautrock déjà connu et fort apprécié dans ses colonnes.
On vous le conseille - et au vu du son déployé - au casque…
Jean-Pierre Simard le 3/07/17
Floating Points Reflections — Mojave Desert, Luaka Bop