Les feux follets, de jour. Le Voyage à Nantes (épisode 1), par Richard Manière
Tu te souviens, de cet été, de tout ces étés, où l’on se tenait par la main et où l’on attendait la tombée de la nuit pour y aller.
Les lampadaires s’éteignaient à 22 heures.
Tu te souviens ?
On connaissait le chemin par cœur, il n’y en avait pas quatre. On poussait la grille en fer rouillé et on rentrait avec cette peur et cette excitation au ventre. Puis on marchait dans les allées. On marchait dans le gravier encore brûlant. On pouvait le sentir à travers nos baskets bon marché.
On se persuadait alors d’en avoir vu, 2 ou 3, voler dans l’atmosphère de la nuit.
Des feux follets. Pure imagination ou véritable manifestation tangible, nous détalions à toutes jambes du cimetière en nous promettant d’y revenir dès la nuit prochaine.
C’est en pleine journée, de 8 heures à 20 heures que Gaëlle Le Guillou, sculpteur et céramiste, nous invite dans le cadre du Voyage à Nantes à nous balader dans le cimetière de la Bouteillerie, cimetière immense au-dessus du Jardin des Plantes, à deux pas de la Gare.
Gaëlle Le Guillou, travaillant sur l’art funéraire, questionnant les rites funéraires et notre rapport à la mort, aux souvenirs et à la mémoire, s'est acharnée à relever des sépultures, des tombes, des concessions, iconoclastes de par leur forme, ou de par leur histoire, en y associant des tableaux, des images, des morceaux d’histoire de l’art. Elle y a créé une déambulation, tantôt mystique, tantôt drôle, toujours sensible et foncièrement dans la vie.
Ce sont des feux follets, ces petites lueurs de vie, tremblantes, fragiles, et mémorielles qui nous emmènent et nous rassurent sans jamais nous faire croire que l’on peut y échapper.
Avec trois œuvres originales elle investit cet espace du souvenir, questionnant nos usages dans les cimetières et nous aide à poser un nouveau regard sur l’art funéraire.
Le cimetière devient alors un lieu de ballade délicate et toujours calme dans le respect des personnes présentent pour se recueillir.
Gaëlle Le Guillou est initiatrice de l’association big bang mémorial en 2014 avec laquelle elle réalise des chantiers participatifs, réintroduisant la nature via le jardinage.
Tu viens, cet été, on y retourne, on se tiendra par la main et on ira en plein jour.
Des feux follets nous attendent, ils sont beaux et virevoltent pour éclairer la brièveté de nos existences dans une joie non feinte, avec juste ce qu’il faut de mélancolie pour se sentir heureux et en vie.
Richard Manière le 24/07/17
LA PROMENADE- Cimetière de la Bouteillerie
de Gaëlle Le Guillou - Balade artistique et mémorielle