L'été spectaculaire des costumes d'Antoine Marquis

Sophie Rénaut, galeriste accueillante expose Costumes pour un spectacle par Antoine Marquis, le tout mis en scène par Julien Carreyn, afin de nous faire vivre un printemps et un début d’été tout à fait captivant. A deux pas du métro Pigalle, 10 rue André Antoine, se trouve la galerie Rue Antoine, extérieur rouge, à l’intérieur de laquelle se loge un petit white cube avec un fond légèrement décroché qui fait son effet.

Les dessins de personnages en costume, de petits formats, s'y succèdent sur une ligne d’horizon, créant une saccade visuelle, comme autant d’images se répétant, qui donnent l’impression d’un mouvement. Et du mouvement il y en a dans le travail de dessin d’Antoine Marquis, amoureux de Rohmer, adorateur de série Z, il aime confronter la banalité du quotidien, du réel, à ce petit moment de bascule dans l’angoisse. Un mouvement, tout juste perceptible, mais indéniable.

La mise en scène, subtile, simple et cohérente de Julien Carreyn, qui d’une ligne, fait vibrer les personnages en costumes et les enchaînent dans une continuation digne d’un DJ perfectionniste, que l’on croirait tout droit sortis d’un album de Tintin, impressionne et invite à la contemplation, mais tout autant à un regard rythmé et léger, qui nous emmène à un ailleurs fantasmé. Mais là, où l’on pourrait y voir une anecdote, il y a ancrage dans une histoire de l’art érudit celle de la peinture française (Watteau par exemple) du XVIIIe siècle, représentation de scène entres des événements (fêtes, théâtre, déjeuner, etc.), frivoles et profondément mélancoliques.

Les dessins, colorés et les silhouettes qui s’en détachent, viennent dialoguer avec des images d’une adolescence au bord de mer, en Vendée, durant des vacances ennuyeusement longues, d’où on rêverait en sortir par la grande porte ! Comme dans Moonrise Kingdom de Wes Anderson, le mystérieux, le merveilleux surgit d’un rien, mais finit toujours par surgir !

Il y a du temps en suspension chez Antoine Marquis, ce curieux instant où vous ne savez pas si vous allez rester figer par l’angoisse ou si vous allez courir pour échapper au tueur fou, en grimpant stupidement à l’étage.

Autre instant en suspension en amont de l’expo cet happening et performance derrière des vitres opaques, où les artistes ont fait du body painting avec des modèles, comme une mise en abîme des dessins de costumes, jamais loin du tribal et du fantasme des corps que l’on peint, tout en gardant un authentique sens plastique et artistique. Mais, grâce aux photos prisent par la galeriste Sophie Renaut herself, nous sommes invités à les découvrir, dans une boîte, comme un musée personnel, un peu secret, un peu subversif, aux regards de tous, mais privé, une véritable expo dans l’expo. Il se crée alors un joli dialogue, entre les poses des modèles qui se nettoient entre deux séquences de body painting (on pense évidemment aux scènes de bains de Degas) et les dessins de costumes, un lien fragile et évident qui nous raconte une belle histoire. Celle que l’on rêvait tous de vivre, lorsqu’en colonie de vacances, on imaginait le plus bel amour, avec la plus belle fille du centre de vacances trop grande pour nous, mais qu’on pouvait embrasser dans la salle des fêtes sur scène, dans un costume pour un spectacle dont on a oublié le nom. En attendant, on peut toujours se souvenir ou s’en inventer…

Richard Manière, le 3/06/17
Costumes pour un spectacle d'Antoine Marquis -> 22/06/17
Galerie Rue Antoine - 10, rue André Antoine 75018 Paris