L'Aphorisme et son moteur à deux étages avec Olivier Hervy

Le délectable quatrième recueil d’aphorismes d’Olivier Hervy

Publié aux éditions de l’Arbre Vengeur en 2016, le quatrième recueil d’aphorismes d’Olivier Hervy est bien aussi délectable que ses prédécesseurs, « Expertise » (2007), « Agacement mécanique » (2012) et « Formulaire » (2014), ajoutant même une petite touche encore plus malicieuse dans la composition de son mélange doucement détonant.

Musique douce, couleur chaude aux murs du parking souterrain. On va pouvoir se faire agresser dans un cadre plus agréable.

La seule personne qui entre dans la librairie vient proposer ses services pour laver les vitres.

Votre partenaire de réussite, est-il inscrit sur ce semi-remorque chargé d’énormes turbines qui me laisse interrogatif sur le trottoir.

Les presbytères trop grands plaident pour le mariage des prêtres.

Cet ami restaurateur me dit désolé qu’il a dû licencier son chef, alors que tant d’entre nous le feraient sans regret. S’ils le pouvaient.

L’ukulélé a tout du petit qui élève la voix pour se faire entendre.

Le paysagiste installe un jardin japonais dans la propriété bourgeoise. Le renoncement à grands frais.

Je n’aurais jamais cru que cette vieille voisine discrète soit capable d’un tel tapage. Le camion des pompiers s’éloigne sirène hurlante.

Le semi-remorque qui recule fait du bruit (bip bip bip) pour éviter au distrait de se faire écraser. En effet, dans mon lit, ce matin très tôt, je suis sur mes gardes.

Bien qu’il ait plus de cent personnes à ses ordres, cet homme semble calme et posé. Puis il tourne le panneau rouge qu’il tient et c’est à notre file de voitures de passer devant le chantier.

Détournements malicieux, ambiguïtés et doubles sens de la langue exploités au profit de la création d’à-pics légèrement dadaïstes, tendrement surréalistes ou caustiquement situationnistes : maniant en expert les surprenants recoins des mots et des situations, au croisement des sentiers arpentés par Raymond Devos ou par Éric Chevillard dans son cousin « L’autofictif », Olivier Hervy affûte silencieusement un ensemble de « Figures stylées » qui elles aussi, comme celles de Mathilde Levesque et de ses élèves, démontrent comme en se jouant la vitalité d’une langue alerte et perpétuellement aux aguets.

Cette calculette rose avec de gros boutons jaunes prend à la légère mes problèmes financiers.

Passager de sa grosse voiture avec tablette, porte gobelet, vide-poches et climatisation… Si bien que l’on s’attend à chaque instant à voir arriver le contrôleur.

Mon père n’avait pas de machine pour couper en lamelles les documents de l’étude. Il préférait les brûler chaque semaine dans un grand feu confidentiel.

Tai-chi-chuan. Parfait pour rattraper et combattre une tortue qui vous a volé votre sac à main.

On me dit qu’au Japon les murs sont en papier. Ils n’avaient qu’à pas casser toutes les briques et les planches avec la tête, les pieds et les poings.

Cette boîte aux lettres déborde de prospectus, comme si vivait là un client spécialement convoité, alors qu’au contraire, la maison est inhabitée.

La réglementation en usage dans les avions a pour but de nous interdire la lecture en vol de livres non massicotés.

Fusil-mitrailleur à la main, matraque sur le côté, ces deux jeunes hommes en treillis et crâne rasé qui parcourent la gare sont là pour nous rassurer.

Olivier Hervy

Olivier Hervy - En Bataille - éditions de l'Arbre Vengeur
Charybde2
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