Désir et possession par Mona Kuhn
«Les œuvres exposées ici forment le premier chapitre d’une série en cours, commencée il y a deux ans. J’ai tiré une part de mon inspiration de l’œuvre Le jardin des délices terrestres de Hieronymus Bosch et de certaines fresques des plafonds de la Chapelle Sixtine. Je souhaitais montrer des personnages absorbés par des plaisirs innocents et sans entraves, un thème souvent présent dans les œuvres d’art du XIVeme siècle. De nos jours, ce naturel et cette paix langoureuse semblent inaccessibles. Ils appartiennent à la magie et au fantasme des représentations anciennes du paradis.
Au cours des deux dernières années, j’ai commencé à photographier d’en haut des amis et leur environnement. Plutôt qu’un échafaudage, j’utilise une échelle. Je compose la plupart des images debout, en haut de cette échelle, et je pointe l’appareil photo vers le bas, en éliminant la ligne de l’horizon, pour tenter de refléter à la fois le ciel et la terre.
Les scènes exposées ici ont été photographiées dans les Landes de Gascogne, une région de forêt de pins située sur les côtes françaises, près de l’océan. Les aiguilles et les pommes de pin, le miroitement de la lumière et les tonalités subtiles, apportent un effet nostalgique à mon vocabulaire visuel. La plupart des sujets ont les yeux fermés, pour suggérer un sentiment d’intimité et de rêve en plein jour. Parfois, les sujets se connaissaient, ils pouvaient être amis ou amants.
Les compositions, prises à vue d’oiseau, présentent une perspective plate sans lignes d’horizon pour s’orienter, ce qui ajoute un effet surréaliste. Le résultat ressemble à des figures que notre inconscient aurait suspendu dans le temps, une plongée dans ce que le poète français Louis Aragon a appelé « une vague de rêves. »
Les photographies de groupes nus de Mona Kuhn, avec des gens assez beaux qui feignassent langoureusement au soleil ont suscité un engouement international. Est-ce révélateur des choses qu'on n'ose pas ou bien, est-ce un dernier espace de liberté d'une société qui voudrait encore se rêver de consommation, quand elle ne l'est assurément plus…
Friedrich Angel le 13/04/17
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