Arca prend les codes et les jette pour créer sa propre image

Si vous écoutez un peu Björk, Kanye West ou FKA Twigs, vous avez entendu parlé de la production d'Arca. Et ce troisième album le montre dans un nouvel appareil où après avoir concassé des loopings et des virages techno et classiques sur l'aile, il adopte, pour son premier envoi chez XL Recordings, après les précédents chez Mute, un ton électro plus calme pour mettre en avant toutes les facettes et imperfections de sa voix. Mais pas que…

Et à bien regarder, cet album avait été entrevu avant que le Vénézuelien Alejandro Ghersi ne devienne Arca, quand il s'essayait là-bas à une sorte de dream pop sous le nom de Nuuro.  Ces petites missives électroniques amoureuses chantées upbeat n'étaient pas sans ressembler aux travaux de Postal Service ou de Passion Pit. Le son qui le caractérise, souvent tout de chaos et de contorsions est aussi défini par les vidéos réalisées avec son compagnon de longue date (et l'ont fait chouchou de Dazed and Confused) Jesse Kanda qui balance des corps qui vont se déformant dans l'espace. Ici, changement de taille, la redécouverte de sa propre voix a amené Arca à repartir d'ailleurs, de plus loi, de son adolescence même.


Piel se lance sur une comptine enfantine pour laisser monter la voix dans la stratosphère avant que la distorsion n'envahisse l'espace et que la mélodie se dissolve dans l'étrangeté. Ici, on est entre électro et grégorien, mais avec un feeling gay qui envahit tout et se dévoile via les trois vidéos ( toujours somptueuses) pour Reverie, Anoche et Desafio qui emprunte tour à tour une ambiance de matador catastrophe sodomisé saignant, de fantaisie dénudée et blessé parmi les morts et les survivants ou encore dans Desafio le SM gay tortueux. 


13 chansons pour se réinventer qui ont pour source aussi bien la pop, Mendelsohn que Schumann et qui naviguent radicalement dans l'univers électro pour ce faire avec orguessurpuissants, piano geignards et instrumentation classique en arrière fond. Tout cela avec une production kaléidoscopique et chatoyante. Mais le plus fort est l'emploi de la voix qui ne cache ni les effets de souffle ni moins encore les approximations. Le mélange qu'il emploie le renvoie à certaine période la musique classique baroque.

D'après lui, c'est même un retour à ses tentatives adolescentes de communiquer avec son moi d'alors. Et des distorsions électro-classico-castrato il révèle un univers à nul autre pareil, si singulier qu'il réussit à englober ses expériences précédentes pop pour les sublimer dnas ce qui s'avère un nouvel avatar, plus fragile, plus majestueux et plus complet de sa persona d'ici et maintenant. Il avoue même au passage avoir choisi ce pseudo Arca, car en ancien espagnol, il signifie réceptacle de cérémonie et qu'il peut y mettre à peu près tout ce qu'il est et veut de venir enfant innocent au passé, ado gay torturé qui s'en sort aujourd'hui, homme et producteur respecté et enfin compositeur et chanteur qui se révèle et s'affirme grâce à ce masque.

Si un jour, à l'aube des années 80, le Non Stop Erotic Cabaret de Soft Cell a signifié quelque chose pour vous, cet Arca-là, va parler sur la même fréquence. Le décorum a changé, les anglicans se retrouvent en catholiques vénézuéliens et l'imagerie gay trône dans les colonnes des magazines d'avant-garde. Arca est un transfuge, et son univers de toute beauté - vous savez le fameux la beauté sera convulsive ou …

Jean-Pierre Simard le 11/04/17

Arca – Arca -  XL Recordings