Solovki, ou comment se perdre à jamais dans les îles de l'ex-goulag
Claudio Giunta raconte une enquête journalistique à la première personne, celle d'Alessandro Capace partageant réflexions, sentiments et axes de prospection, relatant ses rencontres et la progression de ses recherches. La tension est palpable dès le départ avec une disparition qui, au fil des informations obtenues, devient de plus en plus inquiétante car l’espoir de retrouver vivants les trois Florentins disparus s’amenuise. Solokvi, mère de tous les goulags gardera-t-elle son secret ?
Le cadre retenu par l’auteur, enchanteur au début, lorsque l’action se déroule à Florence, prend vite un côté sinistre. L'archipel, après une longue période sacrée grâce à un monastère réputé, est devenu un enfer, d’abord sous le régime du tsar, puis sous Staline. C’est en 1923 que le Géorgien parano déporte ses opposants, en en faisant ce qu’Alexandre Soljenitsyne a appelé : “La mère du Goulag”, lieu d’expérimentation de ce qui allait devenir la règle sur l’ensemble du territoire de l’URSS. Entre 1923 et 1939, le nombre exact des internés reste inconnu. Des estimations le chiffrent entre des dizaines et des centaines de milliers de victimes.
L’auteur dresse, au fil du récit, une série de portraits fascinants de précision et de justesse. Mélangeant rencontres professionnelles et personnelles, mixant les éléments de son enquête et de sa vie privée, il livre son sentiment sur l’évolution de la société, de sa ville, de sa vie. Cette enquête chemine avec une intrigue forte avec, pour toile de fond, un décor dangereux, un passé qui interfère avec le présent et, surtout (là, il est très fort), un jeu avec les indices et une vérité qui n’est jamais là où on l’attend. Claudio Giunta signe là un insolite roman avec un superbe antihéros.
Friedrich Angel
Claudio Giunta - Solovki - éditions du Masque