William Gay réactive le vieux mythe américain de la sorcière Bell

Avec Petite sœur la mort, au titre quelque peu vaudou, pour nous francophones, William Gay, toujours à l'aise dans le roman gothique est allé piocher au fond de l'imaginaire américain sudiste pour donner une version moderne du mythe d'une vieille qui parle aux vivants de l'au-delà, et met un zbeul conséquent dans leur vie contemporaine. De l'angoisse de la page blanche aux fantasmes vécus en live : ça arrache méchant.

L'écrivain sudiste Tom Franklin s'est attelé à la préface de l'édition française de Petite sœur la mort. IL y raconte son amitié avec William Gay et comment celui-ci s'était également rapproché de Cormac Mac Carthy dont il admirait le travail. Lui, l'ancien du Viet Nam, l'ouvrier.

En quelques nouvelles, et trois romans (au moins ceux traduits en France), William Gay s'est fait un nom. Et Petite sœur la mort (son dernier) montre une autre dimension à son talent d'écriture.

Le pitch : en 1982, David Binder, jeune auteur que son éditeur a convaincu d'écrire un roman de genre, s'installe avec sa femme – enceinte et réticente – et leur petite fille dans l'ancienne maison d'une famille de planteurs, à Beale Station, Tennessee. La demeure n'a pas bonne réputation : un fantôme cruel et facétieux en a tourmenté les occupants au début du XIXe siècle, persécutant plus particulièrement la jeune Virginia. Sur la propriété, la pierre tombale de Jacob Beale est éloquente : " 1785-1844. Torturé par un esprit. " Il semblerait que le fantôme ait été une dame, et qu'elle rôde encore dans les murs. Or David s'est laissé envoûter par le lieu... La vie quotidienne, et conjugale, des Binder va s'en ressentir, jusqu'au drame. Et l'explication en rhizome viendra. Mais à vous de lire, car ça mérite.

Ici le gothique est profond comme une grotte, il y est constant comme la chaleur du sud, la nature, omniprésente est la seule donnée valable et stable en regard des humains quelque peu déjantés ou méchants, ou juste cons. L'écriture est top, la traduction envoie (sauf à propos de couvée de serpents… ). Et si l'on cherche des proximités littéraires, on dira William Faulkner pour le Sud et Jim Harrison pour la proximité de la nature. Mais bon, noir c'est noir, apprêtez-vous à rire jaune au fil des ces quelques heures de nuit blanche …

Jean-Pierre Simard le 22 mai 2017

William Gay- Petite sœur la mort - Cadre Noir-Seuil