Au MAM, Karel manque un peu à l'Appel

Un peu véner, juste un peu, de sortir de l'expo qu'on nous vend comme rétrospective Karel Appel, mais qui ne fonctionne que comme un prêt de collection hollandaise qui se sert parcimonieusement dans les diverses périodes du peintre : entre sculpture, peinture, et carnets. On aurait bien aimé apercevoir des œuvres participatives de Appel, car il en a réalisé de nombreuses à toutes les périodes de sa vie. Aussi bien à Paris qu'en Toscane ou en Hollande, comme à New York. 

Appel, tel qu'on a déjà pu le voir à Beaubourg, il y a peu de temps reste cet artiste néerlandais cosmopolite, ayant été un des membres fondateurs du groupe CoBrA, créé à Paris en 1948 (et dissout en 1951). Ce groupe européen, composé d’artistes tels que Asger Jorn ou Pierre Alechinsky, se propose de dépasser les académismes de l’époque comme l’art abstrait, considéré alors comme trop rigide et rationnel. Ces artistes prônent un art spontané et expérimental, incluant un ensemble de pratiques inspirées du primitivisme. Ils s’intéressent particulièrement aux dessins d’enfants et à l’art des fous avec une ambition internationale, fidèle aux principes des avant-gardes. Contemporain de la Compagnie de l’Art Brut fondée par Jean Dubuffet au même moment, CoBrA s’inscrit dans ce courant de contre-culture. Il rejette les valeurs établies et propose un nouveau départ, libéré des conventions et revendiquant la spontanéité du naïf. De cette période, Appel a décidé de jeter sa technique académique aux orties pour peindre autrement. une volonté que l'on retrouvera tout au long de ses expériences. Lui, se révélant par à-coups et virages sur l'aile.

Artiste voyageur, Karel Appel a vécu dans plusieurs pays, notamment en France où il s’est installé en 1950. Son travail est alors activement soutenu par des critiques tels que Michel Ragon ou Michel Tapié, qui y voit l’équivalent européen de l’expressionnisme abstrait américain développé autour de Jackson Pollock.

Karel Appel développe une veine gestuelle dans toute son ampleur. Après une période de transition dans les années 1970 pendant laquelle il se rapproche de l’abstraction, l’artiste connaît un renouveau pictural dans les années 1980, période qui sera mise à l’honneur avec un ensemble de grands polyptyques. Le parcours sera ponctué de plusieurs sculptures, entre bricolages CoBrA et immenses installations baroques dont le caractère ludique fait écho à l’énergie vitaliste de son œuvre peinte. Mais on trouvera aussi de nombreuses sculptures à la mode Dubuffet centrées au tour du carnaval, ou construite à partir de morceaux de manège forain réassemblées différemment; un thème récurrent chez lui, cf. le titre de l'expo ; l'Art est une fête.

L’exposition présentera un important groupe d’œuvres-phares dont le Carnet d’art psychopathologique, ainsi que des œuvres des années 1950 (peintures et sculptures en céramique). Le parcours se poursuivra avec de grandes installations des années 1970 et 1990 et finira avec une peinture-testament méconnue, réalisée peu avant la mort de l’artiste en 2006, intitulée Petite Fête (Fiestje). Le Nu en noir et blanc de 1989, rarement montré- et qui sert de photo d'ouverture au papier est carrément somptueux ; l'accrochage est assez réussi.

Maxime Duchamps

Karel Appel - l'Art est une fête ! -> 20/08/17
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris - 11, avenue du Président Wilson75016 Paris