Du Pô et de ses inondations lugubres avec Mount Fog
Mount Fog n'est ni un nom de scène, ni celui d'un artiste ambient en devenir, mais simplement le pseudo choisi par un duo de photographes italiens de 29 ans : Marco Verdi et Nicola Domaneschi qui travaille sur une série dénommée Flood, Medication Blues, ayant pour point de départ, les immenses crues du Pô de 2013 et comme point d'arrivée l'étude des gens qui s'y sont agglutinés pour vivre à l'écart de la société.
L'idée de départ de Flood, Medication Blues était de témoigner de la crue et nous nous sommes focalisés sur un région située entre Crémone et Parme, le long du fleuve et nous avons vite trouvés des gens qui avaient délibérément choisis de vivre là à l'écart des villes. Nous les avons rencontrés et, après la crue, nous avons découvert que non seulement le paysage avait changé mais que les conditions de vie de ces gens-là méritaient qu'on parle d'eux.
Au départ, il y avait un mouvement dans les 70's où il était commun pour des familles et des groupes de se construire des cabanes de pêche le long du Pô, malgré que cela soit totalement interdit, pour s'y baigner ( ce n'était pas encore interdit à cause la pollution actuelle) et en faire des lieux de villégiature. Mais avec les années 80 et la pollution industrielle qui s'y est développée, tout le monde abandonna le fleuve petit à petit pour aller vers la mer. Au XXIe siècle, même si la pollution a baissé, le lieu reste abandonné car considéré comme vraiment inhospitalier.
Pourtant, certains préfèrent, et de loin, vivre au bord du Pô qu'en ville, quand bien même ils possèdent en ville leur propre lieu de vie. Leurs cabanes en des lieux interdits leurs plaisent beaucoup plus malgré leur manque de commodités que leur simple vie de citadin. Il perpétuent l'imaginaire des anciens pêcheurs riverains du Pô et cela les fait kiffer au-delà du simple fait de vire dans de lieux interdits et inondables.
Nous avons envisagé le reportage comme un témoignage de l'impact dramatique de l'inondation sur la vallée du Pô, changeant les couleurs et les berges et recouvrant tout de sable. Au départ, il y avait un endroit connu avec ses repères et puis après, cela donnait tout autre chose avec d'autres topographies et éclairages. Cela nous a donné envie de comprendre comment cela agissait sur la nature et les humains qui y vivaient. Le résultat est là: du gris, du sable et des gens qui dégagent les dégâts à la pelle pour essayer de retrouver leurs marques et désensabler les lieux qu'ils habitent.
Plus sur le travail de Mount Fog, sur leur site, ici
Passer du pathétique à l'inhabituel et retour, avec cet excellent reportage - et les autres travaux de Mount Fog. Belle aventure.
Jean-Pierre Simard
Mount Fog, Flood, Medication Blues