Offrandes aux morts de Gao Bo, de l'intime à l'universel et au Tibet
Entre installations, photographie, sculptures et performance, Gao Bo est invité à la Maison Européenne de la Photographie jusqu'en avril pour ses Offrandes- ou quand l'intime se mêle d'universel dans la mort et les luttes. Sublime, forcément sublime … comme disait Marguerite.
Né en 1964 dans la province du Sichuan en Chine, Gao Bo vit et travaille à Pékin. Depuis plus de trente ans, il modèle son oeuvre, aux frontières de la photographie, de l’installation et de la performance. Il a découvert sa vocation après un premier voyage au Tibet en 1985, où il a réalise une série de portraits d’un classicisme et d’une maîtrise saisissants. Intrigué par cet ailleurs, confronté à une altérité dans laquelle il décèle instantanément une profonde familiarité, Gao Bo retourne plusieurs fois au Tibet au cours des années 1980 et 1990. Il immortalise les rites millénaires des moines bouddhistes, la vie quotidienne d’un peuple empreint de spiritualité, dans ce paysage minéral et grandiose, entre ciel et terre. Très vite, nourri autant des préceptes de Marcel Duchamp que de la pensée de Lao Tseu, Gao Bo ressent les limites de sa pratique photographique et entame un processus de questionnement et de réinvention autour de son travail. Utilisant le matériel photographique produit au cours de ses premiers voyages au Tibet, il reprend ses tirages et les recouvre d’encre, de peinture et de son propre sang.
Au fil des années, les interventions de l’artiste sur les photographies se font de plus en plus extrêmes et flirtent avec la performance, allant jusqu’à recouvrir de peinture noire des tirages monumentaux, ou à brûler entièrement une série de portraits de condamnés à mort pour en récolter les cendres. Gao Bo n’a de cesse de repousser les limites du medium photographique, questionnant la disparition, la trace et le renouveau possible à travers un processus créatif aux frontières de la destruction.
La M.E.P. consacre une rétrospective au travail de Gao Bo, des premières photographies tibétaines aux installations les plus récentes, la plupart présentées pour la première fois en Europe. Cette exposition met en lumière les thèmes chers à l’artiste et s’attache à révéler les spécificités de sa démarche, mêlant cheminement conceptuel et recherche plastique. En parallèle, on peut aller rue Bonaparte à la Maison de la Chine qui expose au même moment 22 tirages originaux retravaillés. Un prolongement du parcours riche et cabossé de l'artiste très attachant, installé à Pékin, qui a gardé de ses années parisiennes le souvenir de lectures fondatrices des textes de Rousseau et de Voltaire.
Ce qui nous semble le plus passionnant et aussi le plus pertinent est qu'il est allé jusqu'à créer une écriture nouvelle ( totalement inconnue mais d'un graphisme troublant pour légender ses photos sur le Tibet) avec laquelle, il écrit de son propre sang sur ses clichés. Plus que troublant, engagé …
Jean-Pierre Simard avec MEP
Gao Bo: Les Offrandes -> 9/04/17
Maison Européenne de la photographie. 5-7, rue de Fourcy 75004 Paris
du mer. au dim. de 11 h à 20h.
CatalogueGao Bo. Les offrandes, 4 vol., Éd. Artron, 59 €.
Gao Bo: Offrandes au Tibet -> 8/04/17
Maison de la Chine. 76, rue Bonaparte 75006 Paris
Du lun. au sam. de 10 h à 19 h.
Catalogue Tibet 1985-1995, Gao Bo , Éd. Xavier Barral, 45 €.