Andrew Lewis joue le rétro-futurisme technologique chez Art: Concept

Andrew Lewis deviendrait-il un admirateur de Glen Baxter à présenter dix-sept peintures à l’huile autour des grandes innovations de la deuxième moitié du XIXème siècle, du domaine des connaissances et des télécommunications, en mettant à mal le néo-positivisme qui va habituellement de pair.

Andrew Lewis ancre son propos à  l’ère victorienne — à quelques exceptions près comme le plan du métro parisien (Bienvenue Bleuet, 2017) et le John Hancock Centre, emblématique gratte ciel de Chicago (Otis Platform, 2017) — l’artiste dépeint une série d’innovations technologiques, au travers d’étranges portraits cryptés et extrêmement documentés de leur inventeur, de leurs applications et évolutions au cours des siècles suivants. On retrouve par exemple la reconversion du site du Crystal Palace, originellement construit pour accueillir la première exposition universelle de 1851, puis reconverti en émetteur télévisuel et radiophonique ; le tube Geissler (1857) et le tube de Crooks (1870s) dont les applications vont révolutionner la science et les nouvelles technologies ; ou encore l’ingénieur John Logie Baird (1888-1946) connu pour avoir inventé le premier système de diffusion d’images télévisées.

Avec leur caractère mystérieux, les toiles de Lewis ont pourtant un grand souci pédagogique; à mi-chemin entre le dessin technique et les dessins animés éducatifs des années 1980, elles fonctionnent avec des images et mots clés permettant d’assembler les pièces du puzzle. C’est  le cas avec l'hilarant portrait de Sir Christopher Cockerell (Sir Christopher Cam Cams, 2017), à la vie retracée à travers les images de ses inventions dont l'aéroglisseur et des références biographiques inscrites sur un clavier, recréant ainsi une sorte d’épitaphe en peinture.

Affranchies de toute limite spatio-temporelle, les œuvres d’Andrew Lewis sont comme des machines à remonter le temps, qui plus que des formes d’hommage à un personnage ou invention célèbre, viennent figurer, rendre visible avec les moyens (et limites) de la peinture ces moments historiques de transitions. Le décalage ainsi créé permettant de relativiser la portée du discours. 

L'ancienne et béate croyance en un futur radieux, avec l'avénement de la science comme nouveau dieu pratique et souverain a pris du plomb dans l'aile depuis les années 80 du siècle dernier. L'actuel retour à un discours du XIXe siècle autant politique que moral qui veut nous faire croire que l'ordre moral est la seule source valable, par et pour les élites, fait rebondir cette exposition d'une  toute autre manière et affiche une moquerie assez bienvenue en montrant comment la science a fait avancer la société à grand pas en libérant l'homme de certaines contraintes. Et qu'il ne s'agirait pas - puisque le rigorisme victorien en était le support social - de laisser n'importe qui nous raconter n'importe quoi. Aussi délicieux dans l'expression au premier degré, que malin au second à détourner malicieusement les anciens tropes de la science… 

Alice ne trouva pas non plus tellement bizarre d’entendre le Lapin se dire à mi-voix : « Oh, mon Dieu ! Oh, mon Dieu ! Je vais être en retard ! » (Lorsqu’elle y réfléchit par la suite, il lui vint à l’esprit qu’elle aurait dû s’en étonner, mais, sur le moment, cela lui sembla tout naturel) ; cependant, lorsque le Lapin tira bel et bien une montre de la poche de son gilet, – regarda l’heure, et se mit à courir de plus belle, Alice se dressa d’un bond, car, tout à coup, l’idée lui était venue qu’elle n’avait jamais vu de lapin pourvu d’une poche de gilet, ni d’une montre à tirer de cette poche. (Lewis Carroll- Alice au pays des merveilles.)

 Jean-Pierre Simard le 19/12/17 

Andrew Lewis Vers une boîte éclairée / Crystal Palace Transmissions → 13/01/18
Galerie Art :Concept 4, passage St-Avoye 75003 Paris