Blanquet redéballe ses Guimauves

Comme Blutch avec Mitchum, Stéphane Blanquet a réalisé entre 1994 et 2010 une série de petits récits (dont certains inédits), où il expérimentait autant qu’il donnait libre cours à un imaginaire détraqué. De L’Enfant-cafard à Ghost, en passant par Histoire muette et Le Lombric (en version colorisée ici), ce ne sont pas moins de 25 histoires qui retracent les moments forts du parcours d’un vrai touche-à-tout.

Avatars au sourire inquiétant, orgasmes mécaniques, membres découpés, couples entendus ou garçon maudit, ces récits au format aussi court que souvent muets sont d’une drôlerie terrifiante. On y meurt et renaît, on baise et on rit parfois de l’absurdité du monde, avec ce petit ton détaché plein d’ironie : « Quelle mort indigne, à poil devant tout ce monde. »

Dans des ambiances hantées et peuplés d’individus guidés par la pulsion de mort, Blanquet y dévoile un brelan d'obsessions pour appréhender au rasoir la cruauté du destin. Un destin en trois couleurs pour l’occasion (bleu, rouge, vert) « afin de rythmer l’expérience de lecture », souligne l’éditeur. Le trait, qui joue l’exubérance ou dégouline de noirceur, rappelle des ambiances familières, quelque part entre Robert Crumb, Charles Burns et Ludovic Debeurme. Un territoire où les formes disproportionnées font écho à une bien angoissante étrangeté.

Une édition sans faute, encore une fois, vient magnifier le travail de l’artiste, avec un sommaire et l’intégralité du premier ouvrage Guimauve paru dans la collection « Comix » aux éditions Cornélius en 1997. Encore un livre étrange par Monsieur Blanquet. Mais « ouvrez Guimauves et vous connaîtrez enfin le plaisir de la caresse d’un moignon… ». On ne saurait mieux dire et pas la peine d'en rajouter ! 

Maxime Duchamps le 17/10/17

Guimauves de Stéphane Blanquet, 144 pages, éditions Cornelius