Le premier manifeste de musique synthétique de Suzanne Ciani datait de 1975, on le redécouvre…
Du côté académique new-yorkais, on connaissait fort bien Morton Subotnick ou Wendy Carlos, comme on avait admiré les Silver Apples. Mais côté West Coast, si on reconnaissait l'importance de la regrettée Pauline Oliveiros, on savait moins que Suzanne Ciani, qui travaillait pour la marque de synthé Buchla, avait innové avant que Tangerine Dream ne donne le la européen de ce son. Disque retrouvé, mais surtout jalon électronique et vraie pépite …
Ces concerts donnés au WBAI Free Music Store et chez Phil Niblock n'avaient jamais été publiés comme tels. L'eussent-ils été que la face de la musique en aurait été changée… Ces Buchla Concerts de 1975 ne sont pas seulement un projet d'archive qui redéfinit l'histoire musicale, mais aussi un de ceux qui en repositionnent les acteurs de la musique électronique et donne un peu d'avance aux femmes dans l'histoire. Ce qui ne saurait nous déplaire, d'autant que le concert de Tangerine Dream à la Fête de l'Humanité en 1975 n'allait pas aussi loin dans ses explorations ; Ciani se positionnant plus du côté du son d'Autechre, sans les bleeps - moins de nappes et plus de construction.
Buchla était la société de développement de synthé qui œuvrait sur la côte ouest, sœur éloignée des new-yorkais de Moog, qui travaillait dans le même sens mais pas avec les mêmes buts. Autant il était question de marketing et d'interface à l'Est, autant l'idée de faire évoluer le son sans compromission était première chez les freaks californiens mangeurs de lotus et plus épris de théorie et de logiciels que de vendre à millions les plus récentes découvertes. Ainsi, Suzanne Ciani, plus occupée à faire partie de l'histoire qu'à la raconter, a fait évoluer autant son jeu que ses machines, sans trop la ramener.
La difficulté d'approche et d'interface de ce synthé modulaire en a fait une vraie machine de freaks, Silver Apples en possédait un, mais on savait peu à l'époque à quoi Ciani était occupée. Et c'est la révélation de ces pulsations mélodiques peu familières, qui jouent aussi avec les tonalités et les harmoniques qui s'offre à vous ; grâce à ce live inédit qui servait alors de présentation, de révélation de programme et de démonstration éducative à l'usage des amateurs éclairés de musique électronique de la côte ouest. Cette expérience va plus loin que celles enregistrées de Morton Subotnick et s'avère plus radicale, en révélant les possibilités de ce synthé vraiment versatile.
En travaillant sur ce projet ( la machine et la musique) Suzanne Ciani a créé un instrument totalement nouveau pour écrire une musique proprement inouïe qui va au-delà des termes actuels d'ambient ou de techno. Mais ce n'est pas le seul de ses projets a être resté dans les cartons, d'autres suivent. On s'en fera l'écho.
Jean-Pierre Simard
Suzanne Ciani – Buchla Concerts 1975 label Finders Keepers