Eno, vers l'infini et au-delà

Histoire de vérifier une fois encore le concept de musique non intrusive, définition de base de l'ambient, telle que développée depuis le milieu des années 70 par Brian Eno, ce dernier tente la musique auto-générative et sans limite avec son dernier envoi : Reflection.

En quasi une heure, on y entend aussi bien les échos de The Ship, son dernier album que ceux des classiques du genre, comme Apollo et même Music for Airports; des repères autant que des souvenirs à l'étrange présence diffuse - le but recherché et atteint. 

Reflection marque l'aboutissement du travail d'un maître de musique, aussi prolifique producteur que compositeur patient dont les dernières étapes furent avec Karl Hyde pour revisiter les musiques africaines, Jon Hopkins ou David Byrne. Et, à l'inverse du The Ship,  de l'an passé, ultra-conceptuel, celui-ci cherche à marquer par le côté deep de son propos avec ses couleurs et ses ambiances qui cherchent autant l'infini du moment que le passage de celui-ci, par un seul envoi - d'un seul titre éponyme. Ici, les logiciels jouent seuls à s'entremêler dans un coït finement paramétré, mais n'en finit plus de s'envoler…

Assez patent ce titre d'ailleurs, on en parlait plus haut en disant génératif - mais génératif justement de réflexion, de sensations glissantes et superposées qui filent la conversation entre elles, en moments variables, en instances toujours proches de l'échappement, se suivant, se superposant, pour mieux s'effilocher et disparaître, mais avec la proximité d'une autre déjà là, comme en instance de ce qu'elle a été pour devenir encore ailleurs, autre chose encore. 

Dans les notes de l'album, mister Le Baptiste de la Salle précise même : "C'est le genre de musique que j'ai ensuite appelé ambient, même si je ne me souviens plus ce qu'il recouvre aujourd'hui. A la différence d'autres que je compose en ce moment, d'autres plus connectées rythmiquement qui obéissent à des durées et des structures précises, celles-ci obéissent à de drôles de paramètres de proximité et modes de composition qui fonctionnent ensemble." 
En sachant que la logique de composition de Reflection pourrait ne jamais s'arrêter, on a là, quasi un album dont la durée pourrait être infinie. ça laisse rêveur !  Quintessence de style, on dira. Premier album important (très !) de l'année, on poursuivra.

-> Un seul regret ici, ne pas pouvoir découper le morceau pour vous en offrir un extrait qui ruinerait le propos, mais je vous mets à la place d'autres ambiances.

Jean-Pierre Simard

Brian Eno - Reflection - WARP 2017