L'amour debout de Childish Gambino
Si les amateurs de séries TV américaines connaissaient Donald Glover pour ses participations à Community et Atlanta, la série hip hop de 2016 qui donnait une autre vue de la ville la plus remuante de la scène rap ces dernières années, seuls les amateurs de hip hop pointu connaissaient Childish Gambino, son alias musical, malgré de nombreuses mixtapes et deux albums. Mais cela est dorénavant terminé, parce que tous apprécient un titre comme Redbone dont la version donnée chez Jimmy Fallone le fait entrevoir comme un successeur putatif de Prince. Rien moins…
La raison à cela, la sortie début décembre dernier là-bas, de Awaken, My Love, un nouvel envoi plus funk qu'habituellement, à vrai dire dans la lignée de certaines œuvres de Outkast, autre groupe monstre de la même ville du sud profond qui n'aimait pas trop s'embarrasser de recettes connues, mais adorait relire le psychédélisme à la lumière de Parliament et selon l'évangile funk crade de Rick James et Prince. Mais cela ne s'arrête pas là, le space funk à l'œuvre ici doit quelque peu à Bootsy aussi et à Zappa dans une moindre mesure. Les coincés de la raie de Pitchfork, estiment que trop peu ceci et, vraiment trop cela, à hésiter entre plusieurs univers, cela sent l'album d'interprète ( sous-entendu pas assez le rap game… ) Mais bon, laissons-les millimétrer les influences et voir cela d'un œil d'apothicaire. Théo Parrish révélait il y a peu que la pire chose qui soit arrivée à Atlanta était le succès massif de Gucci Mane avec ses extensions gangsta à bagouzes, en épate galerie…
On préfère la version délurée pop-funk ( Zombies, Boogieman) du gars Glover qui, non content de jouer dans des séries depuis l'âge de 8 ans est aussi animateur de talk-show, producteur de ciné, qui balance une nouvelle image du jeune black concerné par son environnement (comme dans Atlanta par exemple). Un genre de héros tombé dans la déprime, après avoir terminé une fac prestigieuse, pour s'être aperçu qu'elle ne lui servirait à rien s'il ne rentrait pas dans les codes WASP qu'il a en horreur et qui fait avec, de faux semblant en tentative d'intégration avec ce qu'on lui laisse en tant que jeune black. Le mec est malin mais n'en rajoute pas.
Il écrit sa bande son d'une aventure possible, probable, avec des repères efficaces d'un passage au monde adulte, celui des enfants déjà là, ( Baby Boy, Stand Tall) quand l'adolescence n'a pas eu lieu. Une vie de black, à Atlanta ou ailleurs. Mais certainement pas une merde à crier je vais les défoncer quand je serais riche avec ma toute puissance ( des noms Là, vous voulez ???? Gucci Mane, Rolleix ta mère, etc. ) Et on rappelle au crétin de Pitchfork, que le hip hop qui n'aime pas le funk finit par puer juste des pieds - California, en hommage à 2 Pac est assez fun dans son genre.
Ce qui permet de conclure de manière vache en disant que si Ice T et LL Cool J ont trouvé une sinécure à la télé, c'est en temps que cops, pan dans le cliché… Et qu'il faut chercher du côté des Men in Black pour voir en Will Smith, l'ex-Freh Prince, autre chose que la reduplication du même clicheton … Au fait, Donald Glover a récupéré le rôle de Lando Calrissian dans le prochain Star Wars… Awaken My Love!, pas l'album de l'année 2016, mais un vrai pas en avant pour sortir de la sclérose qui guette.
jean-Pierre Simard
Awaken, My Love! de Childish Gambino (Glassnote)