Les estampes ukiyo-e modernisées de Paul Jacoulet

Maître de l'estampe et de la gravure sur bois, et l'un des rares Occidentaux à avoir passé  toute leur vie au Japon, Paul Jacoulet était un gay assumé dans une société impériale très machiste. Son œuvre qu'on redécouvre depuis les dix dernières années est en deux parties, la première avant la Seconde Guerre mondiale, et la seconde démarrant en 1946, quand, encouragé par l'entourage de McArthur, grand amateur d'estampes, il se remet à travailler et finalement vendre très cher ses peintures et gravures au-delà des limites de l'archipel.

Paul Jacoulet, rare Occidental a avoir passé  toute sa vie au Japon (il y a déménagé à trois ans en 1898) a doublement renouvelé l’art de l’estampe ukiyo-e par son traité de couleurs et les sujets qu'il a mis en avant. Il a d'abord suivi l'apprentissage des maîtres, avant de voyager dans toute l'Asie à la recherche de nouveaux sujets et traitements, parcourant les îles du Pacifique, la Corée puis la Mandchourie, territoires alors sous contrôle nippon.

D’abord aquarelliste, il choisit à partir de 1934 la technique de la gravure sur bois comme moyen d’expression principal. Très tôt, ses estampes sont exposées à Tokyo, Osaka, Kobe et Séoul. Cependant, affecté par le chaos né de l’entrée en guerre du Japon, il cesse de peindre pendant toute la durée du conflit. Fin 1946, encouragé par quelques Américains membres des troupes d’occupation, il reprend la production d’estampes et son succès dépasse dès lors le Japon et la Corée pour s’étendre aux Etats-Unis et en Australie.

Ses œuvres, série flamboyante de portraits d’hommes et de femmes des pays d’Extrême-Orient et des archipels du Pacifique, y font l’objet de nombreuses expositions. On y découvre une sensibilité aiguisée, une démarche quasi ethnographique, une sensualité audacieuse couronnée d’une parfaite maîtrise technique. Mais derrière la beauté d’un monde coloré et souriant se perçoit la certitude de sa prochaine disparition.


L'intérêt de son œuvre provient de l'actualisation des thématiques des maîtres du XIXe qui faisaient la part belle aux paysages campagnard ou de bord de mer, voir au quotidien des geisha citadines au profit d'autres scènes de genre comme les fumeries d'opium, les couples gays, avec souvent une technique qui tient du gros plan cinématographique, pour l'approche des personnages, lui permettant de mettre en scène et en couleurs, toute l'Asie sur sa palette.

Artiste-voyageur, il a réalisé d’étonnantes séries de portraits et de scènes de la vie quotidienne du Japon, mais aussi de Corée, de Chine, de Mongolie, de Micronésie. La centaine de gravures sur bois réunies dans cette exposition ont été réalisées entre 1934 et 1960. Entre témoignage ethnographique et Asie rêvée, elles nous entraînent dans un monde aujourd’hui disparu.


Paul Jacoulet est resté longtemps inconnu en France. Ce n’est qu’en 2011 qu’une première exposition lui est consacrée à la Bibliothèque nationale de France, suivie, en 2013, d’une autre au Musée du quai Branly. À son tour, la MCJP met à l’honneur cet artiste singulier, ouvert sur le monde, qui fit la synthèse des univers occidentaux et orientaux.

Paul Jacoulet, un artiste français au Japon ->15/10/16
Maison de la culture du Japon à Paris 101 bis, quai Branly 75015 Paris
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