Les Trans cubains : comment Cuba a changé pour les LGBT
Fatima. Ce prénom d’une héroïne de la littérature cubaine moderne est, à La Havane, un symbole. Symbole de combat et d’espoir de celles qui, nées dans un corps d’homme, se savent femme. Profondément. Se veulent femme. Totalement. Au point de soumettre leur corps au lent et douloureux processus de métamorphose.
Introduit par son épouse Mariela Castro, la fille de Raul castro lui-même, et donc nièce de Fidel, au sein de cette communauté dont elle défend la dignité et les droits, Paolo Titolo nous révèle, dans leur intimité, une somptueuse série de portraits de ces hommes qui ont choisi d’être femme. C'est le moment de rappeler que Mariela Castro est la directrice du Centre national d'éducation sexuelle de Cuba situé à La Havane, qu'elle a permis en 2008 aux Cubains d'avoir le droit de changer de sexe dans leur pays sans payer aucune charge, et qu'elle est depuis des années une activiste de la défense des droits la la communauté LGBT, ce que prouve largement cette exposition. S'il est vrai que le castrisme emprisonnait les homosexuels dans les années soixante, cela a totalement changé depuis les années 80 (l'homosexualité a été dépénalisée en 1979), et c'est paresse - ou pire - de ne pas le reconnaître.
Certaines déjà papillon, quand d’autres se dégagent à peine de leur chrysalide. Par-delà les visages maquillés, les corps humbles ou triomphants dévoilés, les colifichets, les paillettes et les décors de pacotille, le photographe a saisi les regards. De ces regards où se lisent l’espoir, la crainte, la joie, l’attente, la volupté, le défi triomphant d’être enfin soi-même. Au fil des portraits, c’est l’âme humaine, nue, fragile, qui nous est livrée.
« Éliminons les images, sauvons de suite le désir sans arbitraire » était le cri des anarchistes, des marginaux et des individualistes que défendait Roland Barthes dans La Chambre claire. Et le travail de Paolo Vitolo reprend de la même manière, un propos qui dépasse le baroque de la transsexualité. Ses images respirent, dans leur contexte, la surexposition de sujets . Mais au seul but de leur donner un maximum de liberté dans leur état de transformation pour déployer tout un monde : le leur.
Jean-Pierre Simard