Head, le film pop culte incompris des Monkees

Head, co-écrit par Bob Rafelson et Jack Nicholson en 1968 est une tentative de démythifier l’industrie du disque américaine incarnée par les Monkees, nième clone des Beatles en version US. Dirigé par Rafelson, avant qu’il ne tourne Five Easy Pieces en 1971, avec le même Jack qu’il aura entre temps présenté à la bande de Dennis Hopper pour Easy Rider avec le succès qu’on sait.

Du côté d’Hollywood, on avait déjà eu le teenage movie Riot on Sunset Strip (67), l’indé The Trip de Corman (67) et allaient débouler bientôt EasyRider (68), puis Zabriskie Point (70) d’Antonioni et le Five Easy Pieces de Rafelson (71). Et, au milieu des vieux studios qui ne comprenaient que dalle à la contre-culture en persistant à monter des superproductions genre My Fair Lady  en pleine guerre du Vietnam, certains producteurs, avec du flair, avaient bien repéré la vague montante autour de Arthur Penn, Mike Nichols, Bob Rafelson,  John Casavettes,  Dennis Hopper ou Robert Altman. Le Nouvel Hollywood allait bientôt écraser les vieux studios, mais Bert Schneider, qui en sera un de ses artisans officiait justement chez Columbia en 68 et gérait l’affaire Head.

Machine à déconstruire l’industrie en plein rêve hippie psychédélique, le Head centré sur les Monkees (Micky Dolenz, Davy Jones, Michael Nesmith, Peter Tork) avait, grâce aux relations de Rafelson et Nicholson un casting total génial qui, outre Dennis Hopper, voyait défiler Annette Funicello l’héroïne des film de surf, Terri Garr, la strip-teaseuse Carol Doda, Frank Zappa (sur une vache), Toni Basil, le boxeur Sonny Liston, Timothy Carey et un Victor Mature, à contre-emploi dans une incarnation de lui-même façon géant.

Emanant du studio Columbia, le film eut une campagne de promotion super pop qui ne mentionnait aucunement le groupe, mais mettait en avant les images et affiches représentant John Brockman que deviendra plus tard un agent littéraire de poids. A ce point de l’histoire, le public adolescent acheteur des disques des Monkees s’y retrouvait encore. Mais cela coinça quand on commença à leur parler de Marshall Mc Luhan ( the medium is the massage) et qu’on vit défiler des pipes à eau sur fond d’images de la guerre du Vietnam… Le studio qui comptait sur le succès pour rajeunir son image y fit un flop monstrueux.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car c’est en VHS, au fil des années suivantes que le film commença à conquérir son public et, au final, par figurer comme un des premiers essais du Nouvel Hollywood, budgété par Schneider, comme le film rock le plus cher de l’histoire du cinéma, à l’intérieur d’un grand studio.

On rappelle juste, avant de vous le laisser voir (en entier) que celui-ci commence par le suicide d’un membre du groupe et qu’il se termine par celui de tous les autres. Entre-temps, vous verrez ce qu’il s’y passe. Cela vaut carrément le détour. Il reste à savoir que Rafelson a réussi son coup puisque non seulement les membres vivants du groupe tournent toujours, mais qu’ils figurent en bonne place avec Pleasant Valley Sunday dans la compile archétype du garage-psyché de Lenny Kaye, Nuggets.

Micky Dolenz et Jack Nicholson


Pour Chuck Stephens, critique responsable des notes du coffret Criterion, America Lost and Found, il s’agit « d’une capsule temporelle de époque du LSD et du Ulysse du Nouvel Hollywood », quand pour Steven Puchalski de Shock Cinema, «  C’est leur Yellow Submarine à eux. Pas seulement un super film sauvage , mais le plus intelligent de la période, un genre de Godzilla rencontre The Thing. »  Devenus culte, les Monkees sortent pour l'été 2016, un coffret DVD regroupant à la fois, la série télé animée qui a lancé leur carrière, ainsi qu'une version remastérisée du fameux Head, que voici en VO non sous-tirée… Mais bon, un petit trois feuilles ou une pilule du Dr Owsley et il n'y paraîtra plus.