Music for Airports revu par Psychic Temple In A Silent Way
C'est étonnant la postérité des œuvres. Qui eut cru que Brian Eno arriverait à sonner comme Miles Davis et que Music for Airports prendrait les atours de Shhh/ Peaceful par la grâce d'un nouvel arrangement signé Chris Schlarb ? Retour sur un classique du répertoire ambient.
A l'origine, il y avait cette composition Music For Airports 1/1 écrite par Brian Eno, Rhett Davies et Robert Wyatt qui a connu un tel succès qu'on en a fait des sujets de concours et des écoutes dans les musées. Devenue un peu poussiéreuse l'œuvre vivait sa vie de pièce du répertoire, sans plus jamais être remise en question, jusqu'à dernièrement où on la retrouve ces derniers mois deux fois singulière par le biais, tout d'abord, de Chris Schlarb qui en ressort les atours jazz très très cool à la façon d'un Miles Davis devenu directeur d'orchestre pour Wayne Shorter,
John McLaughlin, Herbie Hancock, Chick Corea, Joe Zawinul, Dave Holland et Tony Williams.
Une approche similaire puisque Schlarb, guitariste de jazz et improvisateur californien célèbre choisit ses musiciens à l'oreille ( un peu comme Zappa) pour leur faire jouer des choses précises qu'en premier il est seul à entendre. Et ce Psychic Temple 2016 comprend : Tabor Allen (batterie), Philip Glenn(Hammond), Danny T. Levin (rombonium, euphonium, baritone et trombonne à coulisses), Paul Masvidal et Chris Schlarb (guitares électriques), Curt Oren (saxo baryton), Cathlene Pineda (Wurlitzer), Sheridan Riley (batterie et percussions), Kris Tiner (trompette) et David Tranchina (contrebasse).
Schlarb affirme qu'il voulait dépoussiérer l'œuvre et lui rendre une vitalité absente par son manque d'emprise sur le réel, alors qu'elle résonne comme une impro jazz avec le piano de Bill Evans, la contrebasse de Scott la Faro et la batterie de Paul Motian. Mais en reprenant les mêmes arguments que Miles Davis , il arrive bizarrement au même résultat que lui sur In A Silent Way, avec plus de guitare, moins de claviers et des cuivres. Mais après tout, il est patent que cet album est aussi un jalon de la musique ambient, avec dix ans d'avance sur les théories de Brian Eno. Mais le résultat qui pulse plus urbain est d'autant plus attractif. Vous verrez c'est assez troublant.
Et puis, à peu près au même moment, Chino Amobi , artiste électronique installé à Berlin, s'est emparé du même album ( à retrouver dans notre playlist de cette semaine avec le titre London) pour en donner une version black électro qui revisite les aéroports de Londres, Milan, Malmö, Varsovie, Berlin et Rotterdam et s'intitule Airport Music for Black folk. Autre continent, autre approche. Comme on le disait en intro, la postérité prend quelquefois certains détours inexplicables, mais hautement réjouissants.
Jean-Pierre Simard
Psychic Temple - Plays Music for Airports (Joyful Noise Recordings)
Chino Amobi - Airport Music For Black Folk (NON)