Mick Harvey refait rimer Gainsbarre en anglais

Après Intoxicated Man et Pink Elephants, revoici la troisième adaptation de Gainsbourg par Mick Harvey, pour un Delirium Tremens  qui pique autant du côté des comédies musicales que des tubes de Gainsbarre pour Bashung. Parcours sans glaçon, mais avec une paille. 

En 2014, Mute célébrait le 20 e anniversaire du projet gainsbourien tour de force de Mick Harvey,  Intoxicated Man, avec son neveu le Pink Elephants de 1997. Deux adaptations qui rendaient enfin grâce au génie des jeux de mots et des sous entendus de son auteur sur un fond musical ad hoc pour la transcription anglaise, complète avec d'autres arrangements - et même des rimes justes qui tombaient sur le temps. Et c'est même la première muse de l'auteur à tête de chou qui offrit une tournée mondiale à Harvey pour financer le projet du troisième album avec les deux premiers. Au fil des répétitions le projet se monta qui donna lieu à cet album-ci dont les arrangements de cordes sont dûs une fois encore à Bertrand Burgalat, avec un choix de 12 titres sur les 19 originellement envisagés. 

Ca démarre sec d'entrée avec une super version du morceau-titre de l'Homme à tête de chou/ The Man with the Cabbage Head  de 1976 ou l'orgue ronflant de Harvey est soutenu par la guitare braillarde de J.P. Shilo. Ce Mortel Ennui/Deadly Tedium (1958) sonne lounge jazz et repose sur le vibraphone de Toby Dammit . Couleur Café/Cafe Colour” (1964) combine des rythmes tropicaux et latin-jazz . Shilo y ajoute un accordéon yé-yé quivient donne une touche de féminité au chorus. La Chanson du prisonnier/ “The Convict’s Song” (1967) qui est tiré d'une B.O. télé prend la forme d'un blues à drone dans le style des Bad Seeds de Nick Cave dont il fut le directeur musicals. “SS C’est Bon” de (1975) reprend la même ironie qui fit scandale à l'époque ; tout le monde faisant semblant d'oublier la judéité de Serge Ginzburg. Et Harvey en profite pour lui refiler un habillage proto-industriel à la Nine Inch Nails J'Envisage/I Envisage” co-écrit avec Alain Bashung, pour le somptueux Play Blessures de 1982 où Harvey en profite pour faire sonner cela encore plus noir et dense que l'original, mais avec une même lenteur. On trouve aussi cinq titre tirés du film télé de 1967,  “A Day Like Any Other,” voit Harvey duettiser avec Xanthe Waite (Terry, the Amber Lights) au milieu de piano, guitares et cordes vaporeuses.  Tout cela se termine avec la Décadanse/“The Decadance, le single de 1971 originellement chanté par Gainsbourg et Birkin, ici repris par Harvey et sa compagneKaty Beale.


Encore une fois, le pari de rendre et la musique et les textes scandaleux de Gainsbourg en anglais est tenu , et haut le main. Mais de plus pour ce troisième volet, on finit par se les mettre vraiment dans l'oreille - et pour tout amateur constant de Gainsbourg, cela sonne comme un disque que l'on pourrait écouter ne double mono, avec une piste en français d'un côté et en anglais de l'autre. Et l'effet de décalage en devient assez surprenant. Depuis 1994, d'autres s'y sont essayés et ont aussi obtenu plus que la moyenne au final. Mais Harvey en reste le prototype. 

Après avoir agoni toutes les versions anglaises de ses œuvres, qu'elles viennent de Scott Walker ou de David Bowie, Jacques Brel s'était calmé, ne comprenant rien à la pop. Mais l'inverse de Gainsbourg revu par Harvey possède un goût incomparable. On s'y accroche.  

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