Comment enterrer ensemble James Dean et Chet Baker

Évacuer à la va-vite ce qui dérange en le célébrant de biais, une vieille spécialité hollywoodienne datant du code Hayes, cette saleté empêchant de montrer le moindre téton en gros plan, ou de se singulariser par rapport à l'éthique protestante, puis le maccarthysme; c'est le jeu de dupe de cette BO…

Chet Baker (G) et Bud Shank (D)

Un peu comme l’histoire d’une rencontre ratée avec des phénomènes. D’un côté, Chet Baker et Bud Shank, respectivement trompettiste de charme et chanteur suave et Bud Shank, un saxo très très cool, puis un des premiers films d’Atman - The James Dean Story. Tout cela en 1958.

De l’autre, un bouffeur de partitions Leith Stevens, déjà super oscarisé pour Private Hell 36 (1954), The Wild One (1954) et le classique de la SF,  Destination Moon (1950) et les arrangeurs et conducteurs Johnny Mandel et Bill Holman.

So What, la BO est-elle une tuerie qui développe un bop cool et ensoleillé à l’image du jeune suicidé de l’écran pour en montrer faiblesses et fatuité, jeu de feu et conduite de folie ?
Que nenni, c’est juste un plan gros cacheton écrit avec les doigts de pied par deux crétins qui veulent récupérer l’idée West Coast, sans lui donner les moyens de s’exprimer. On entend bien les solistes grâce à leur son. Sauf qu’ils évoluent à vue dans un champ de mine.

Les thèmes sont limites, les partoches à la va-vite, et rien de ce qui pourrait rendre la B.O. innovante présent. Comme si on voulait juste évacuer le phénomène Dean, en lui rendant un hommage mou, on se la donne kitsch sur « Hollywood » et le son traîne du cul quand l’orchestre se pousse tout juste pour marquer le temps. Quant à la ballade“Let Me Be Loved.” bien réminiscente du morceau de bravoure de Chet ( My Funny Valentine), il n’y chante même pas sur la première version sortie. Et c’est d’autant plus moche que c’est juste le plus beau titre de l’album.

Heureusement, Johnny Mandel, sauve l’affaire avec deux compos : l’atmosphérique“The Search” et “Success and Then What?” qui donne de l’espace d’expression, comme nulle part ailleurs sur le score aux solistes qui duettisent à la cool, à l’aise sur le tempo et suggèrent ce qu’aurait pu être la piste à suivre du début à la fin de la partoche sagouin par son inanité.

Et c’est là que ça craint le plus, parce qu’en 1958, en pleine apogée du cool, il aurait suffi d’un rien pour que cet album soit un marqueur du son californien, au vu du casting employé, des possibles arrangements, malheureusement absents de l’enregistrement. Genre de disque chasse d’eau donc, on évacue et la modernité du jeu de l’acteur - déjà mort- et celle des musiciens en plein déploiement de leur talent pour mieux les contrarier.

L’année suivante, Mingus aux commandes de la BO de Shadows de Cassavettes, avec Shafi Hadi, mais sans intermédiaires de production de studio, aura quand même plus de chance. Vous avez dit Hollywood ?  Notre conseil avisé : chopez juste les trois titres qui font l'affaire, le reste vous pouvez les oublier…

01. Jimmy’s Theme 02. The Search 03. Lost Love 04. People 05. The Movie Star 06. Fairmont, Indiana 07. Rebel at Work 08. Let Me Be Loved 09. Success and Then What? 10. Hollywood 11. Let Me Be Loved (Vocal Version)

Chet Baker & Bud ShankTheme Music from the James Dean Story (1958 Pacific Jazz, Reissue 2016)