Sabine Weiss, 92 ans, état des lieux (de mémoire)

Repérée par Doisneau qui la fait entrer de suite chez Rapho, Sabine Weiss aura suivi un étrange parcours, de photographe renommée mais moins star que ses confrères. Et pourtant, elle en vaut certains. Rétrospective chez Les Douches. 

Née en Suisse en juillet 1924, elle a débuté à Paris comme assistante du grand photographe de mode, Willy Maywald, avant d'intégrer sur proposition de Robert Doisneau l'agence Rapho et de travailler pour les plus grands magazines américains (Time, Life, Esquire, Fortune, Newsweek...)

Sabine Weiss, Lavandières en Bretagne

Un parcours éclectique, en couleur comme en noir et blanc, que Sabine Weiss revendique. "Moi j'étais photographe", répond-elle fièrement quand on évoque la spécialisation dans la photo actuelle. "Je faisais un reportage dans un pays, je photographiais quelqu'un de connu, je faisais une couverture de disque....".

Sabine Weiss avait aussi son jardin personnel: des scènes de la vie quotidienne, souvent nocturnes, quand elle arpente Paris avec son mari, le peintre américain Hugh Weiss, devenues pour certaines des icônes. Les enfants y sont souvent très présents: "c'est amusant de jouer avec les enfants de la rue".

Sabine Weiss, 2CV sous la pluie à Paris 1957

Son intérêt pour la vie simple des gens lui vaut d'être classée dans l'école humaniste aux côtés de Robert Doisneau, Edouard Boubat, Willie Ronis ou Izis. Une proximité sur laquelle elle reste discrète. "Je photographiais ce qui me touchait personnellement", se contente-t-elle d'expliquer, avant d'ajouter: "Je ne pense pas qu'il faut dire que je suis une artiste, je suis un artisan". "Bien sûr, il y a un fondement artistique, il faut avoir un oeil, mais la photo est un travail très manuel". Et d'évoquer le casse-tête pour calculer les temps de pose. "C'était beaucoup plus difficile que maintenant, les films étaient très lents".

En marge de ses travaux commandés, elle a toujours fait des photos pour «elle-même». Avec le temps, elle se consacre presque exclusivement au reportage noir et blanc qui lui permet d’exprimer à travers ses voyages avec « plus de calme et de simplicité » cette rencontre de l’homme et de son univers, cette plénitude de la lumière qui l’obsède. Instaurant avec eux des dialogues sans fin, au hasard des promenades de son objectif, elle traduit par son regard cet instant émouvant où par un geste, une attitude, tout l’essentiel de l’autre va se révéler.

Sabine Weiss, Paris marché aux Puces

"Le numérique, c'est formidable, ça fait la netteté, le temps de pose, les objectifs sont merveilleux", ajoute Sabine Weiss sans nostalgie.  Et les photographes actuels? "Ne me posez pas cette question, je ne les regarde pas", répond-elle en souriant. "Souvent, ils font un truc et ensuite ils le reproduisent".  Sabine Weiss est tout aussi discrète à propos de ceux qui l'ont influencée avant d'évoquer deux images "dont elle a mémoire" : un photo de l'Allemand Herbert List - "une cage de football vide" - et une autre des années 1900 intitulée "De retour du bal", montrant "des gens en costume devant une diligence coupée en deux".

Aujourd'hui, la photo est partout avec internet et les smartphones: "c'est très bien, estime-t-elle, autrefois tout le monde faisait des aquarelles, maintenant tout le monde fait de la photo".

Sabine Weiss, une rue à Naples, années 50


Le monde de Sabine Weiss → 30 juillet 2016
Les Douches — La Galerie
5, rue Legouvé  75010 Paris
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