Post K: l’ouragan Katrina ranime le (free) jazz néo-orléanais à Paris
Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la querelle des anciens et des modernes, Jean Dousteyssier sort un album de free néo-orléanais, Post K- comme ouragan Katrina. Un Parisien de l'ONJ remodelant les roots des 20's, c'est assez troublant pour vous ? Vertueux dans la démarche comme virtuose dans l'exécution. Explications
En 1947, Jean-Paul Sartre affirmait : " La musique de jazz, c’est comme les bananes, ça se consomme sur place... J’ai découvert le jazz en Amérique, comme tout le monde." Et dix ans plus tard, c'est le joueur de trompinette Boris Vian qui continuait ainsi :" Si votre éducation musicale a été négligée, nul besoin de choisir une voie aride pour la refaire : l'évolution rapide du jazz vous mènera insensiblement de la musique la plus fraîche et la plus naturelle des parades et des orchestres de marches aux recherches les plus raffinées des arrangeurs actuels ; et le monde de la mélodie, de l'harmonie et du rythme vous sera définitivement ouvert.
Katrina aura bousculé les sols et les sons aussi. Et donné l’idée à Dousteyssier de revoir, un peu à la lueur du free, le jazz néo-orléanais, en reprenant là où Sidney Bechet dialoguait avec Martial Solal à Paris au début des 60's. Mais en puisant dans les classiques du genre pour leur donner un coup de fouet sur les touches et des anches à ressort.
Le jazz perdure et celui de Jean Dousteyssier déconstruit le passé en le reconstruisant sans cesse, jouant des aller-retours entre tradition et l'émulsion du moment, free jazz mêlant l'Histoire (les années 20-30, mais aussi le free des Afro-Américains des années 60-70) et l'actualité (nouvelles traditions européennes) en une danse euphorique et communicative.
Avec son frère Benjamin Dousteyssier (pilier de l'Umlaut B.B.) aux sax alto et ténor, le pianiste Matthieu Naulleau (entendu également dans l'Umlaut B.B.) et le batteur Elie Duris (entendu dans Novembre), ils dépoussièrent Jelly Roll Morton, Fats Waller, Willie "The Lion" Smith, Louis Armstrong, Red Nichols, Eubie Blake et quelques autres champions du swing ou de la jungle.
Le titre de l'album Post K réfère à l'après-ouragan Katrina qui ravagea la Nouvelle Orléans il y a dix ans. Leur logique d'improvisation fait regarder cet univers avec des yeux neufs, et le quartet d’accoucher d'une musique inventive à l’image de cette nouvelle génération de musiciens : curieux, érudit, virtuose et définitivement transgenre. Encore un petit coup dans le rétro, comme pour signifier l'héritage de la communauté musicale jazz américaine qui a trouvé aux débuts des 70's, un havre à Paris pour développer son propos, tout en jouant dans des bonnes conditions, là où New York les ignorait.
Après un cursus de clarinette classique au conservatoire de Bordeaux, puis une formation de jazz à Mont de Marsan, Jean Dousteyssier complète ses études dans la classe de « Jazz et musiques improvisées » du Conservatoire national supérieur de musique de Paris.
Co-fondateur du duo Post K avec Matthieu Naulleau, du quatuor de clarinette Watt et du Kirby sextet revival. Il évolue également dans l’Orchestre national de création, d’expérimentation et d’improvisations musicales (Onceim). En 2013, Jean Dousteyssier est recruté dans l'orchestre national de Jazz dirigé par Olivier Benoit.
Disque hommage oblique et réinvention de l'idiome par de nouveaux biais, Post K n'a pas fini de vous troubler. Comme une lointaine résonance tellurique des débordements de l'ouragan, laissant sans dessus dessous une ville dont on a déporté une partie de la population plutôt que de refinancer sa construction.
Jean Dousteyssier Post K / ONJ - L'Autre Distribution