Comment nous avons raté Blondie dans un remake d'Alphaville

Robert Fripp et Debbie Harry dans les screen shots du remake de 1979 par Amos Poe

Robert Fripp et Debbie Harry dans les screen shots du remake de 1979 par Amos Poe

En 1979, Debbie Harry, Robert Fripp et le cinéaste Amos Poe voulaient tourner une nouvelle version proto-new wave du Alphaville de Godard avec, eux deux dans les rôles de Natacha Von Braun et Lemmy Caution. Histoire d'une belle idée avortée.
 

Alphaville en version new wave, qui l'eut cru ? Et pourtant, à l'origine, il y avait l'idée du couple de Blondie, Chris Stein et Debbie Harry, la fille la plus cool du moment, d'après Robert Fripp.

On trouve trace de ceci dans un vieux numéro de Radio Times daté d'avril 1979 où Debbie Harry, censé faire la revue des sortie de disques de la semaine avec Kid Jensen parle à BBC One, dans l'émission Roundtable de son nouveau projet, avant qu'elle n'enregistre leur quatrième album Eat the Beat.

Debbie s'exprime alors sur le fait de monter le projet Alphaville avec Amos Poe à la réalisation. Un Amos Poe, alors chef de file de la scène cinéma indé américaine qui enchaîne les succès, comme avec son Blank Generation de 1976, sur la scène rock new-yorkaise d'alors ; un film tourné pour 1000 $ de budget et qui en rapporte au final 72000. Ce qui lui a laissé les coudées franches pour tourner en 1978, The Foreigner avec les Cramps et justement Blondie…  Mais ce qui le met directement dans le viseur de Chris Stein et Debbie Harry, c'est son adaptation d'A Bout de Souffle en version Grosse Pomme, intitulé Unmade Beds et sa collaboration au show télé de Stein TV Party, c'est l'homme providentiel et du sérail.

Anna Karina et Eddie Constantine en 1966 dans Alpahaville de J-L Godard

Anna Karina et Eddie Constantine en 1966 dans Alpahaville de J-L Godard


La production se monte, on fait des screen tests avec Blondie et Robert Fripp, en partance de King Crimson pour une carrière solo et la presse en parle pour faire monter la sauce et appâter les financements à venir. Tous partent négocier avec Godard pour obtenir son autorisation. Mais il leur répond qu'ils sont carrément cinglés de vouloir monter cette vieillerie et qu'il n'y voit aucun intérêt, ne parlant pas du tout anglais. Entre alors dans la danse, par on ne sait quelle voie, David Rasche, acteur de second rôle et ami de Fripp dans une thérapie transactionnelle qui lu pique sa place au casting - pour on ne sait quelle raison. Un producteur voulant assurer le succès du film avec une tête au moins connue? Poe négociant ses participations contre une changement de casting?  Stein et Harry ayant perdu la main sur le montage du même film, et trop occupés à leur succès musical de plus en plus important pour en reprendre les rênes ? Nul ne sait ce qui fera capoter l'affaire…

Les seuls témoignage restants, en dehors des images du casting original, seront un duo Fripp-Harry sur Jet Boy, lors d'un concert hommage aux Dead Boys et cette vidéo de Fripp réalisée par Amos Poe pour la sortie de son album solo Exposure. Assurément tournée à l'époque car, collant réellement à l'esprit du projet. Petit témoignage en quelque sorte, mais bien dans l'esprit du temps : glacé, noir et blanc juste bleuté, rentre-dedans et virtuose.

Jean-Pierre Simard