"Persona" à Branly : l'expo qui combine Homère, Descartes, Sergio Leone et Bob l'éponge

Comme Ulysse dans l'Odyssée, avec le cyclope Polyphème, qui s'était surnommé Personne afin de le tromper et éviter qu'on puisse le retrouver, l'exposition sise à Branly porte le même nom pour tenter d'approcher au mieux les projections de l'esprit humain. Es-tu là ?

L'étymologie latine de Persona, ae : nom féminin signifiant masque, rôle, caractère est le nom et le thème de la nouvelle expo du Quai Branly. Son but avoué :  l’exploration des différents processus qui nous poussent à toujours nous projeter et donner une âme humaine à toutes sortes de choses et de phénomènes.

Le court-métrage introductif installe le doute: « Qu’est-ce qui est là ? Qu’est-ce qui nous permet de savoir qu’il y a une présence ? ». Beaucoup de questions retentissent et se répètent à travers toute cette première partie de Persona. On y oscille entre œuvres d’arts, objets mystiques et expériences scientifiques troublantes qui nous piègent au jeu de notre propre imagination. L’une d'elles est un petit dessin-animé dans lequel un triangle, un cercle, un rectangle semblent interagir. Il s’agit de prouver que face a une telle situation, l’être humain invente systématiquement une histoire (et donne une personnalité à chaque forme) que d’autres visiteurs jugent (« dis-donc t’as vu, il est pas gentil ce triangle ! »). Derrière, une sculpture sublime, un Homo Luminoso composé de fibre optique dévoile une silhouette. Il y a quelqu’un ?

Arrivent ensuite les esprits, les vrais. Après nous avoir bien fait douter, l’expo nous plonge donc dans l’histoire du spiritisme, des revenants, des fantômes, des divinités. Et ce qui en ressort est assez fou : du matériel, beaucoup, partout, parfois très élaboré pour entendre et discuter avec ces êtres invisibles : des lunettes de détection, une machine pour parler aux morts (de Thomas Edison) et, clou du spectacle, les outils d’un authentique chasseur de fantôme belge très prolifique à une certaine époque.

Même si certaines formes de projection de l’esprit humain sont attachées à la technologie, on trouve des masques et des traces d’arts premiers partout, pour illustrer différents aspects d’un même phénomène. Donc, au milieu de ces robots, des têtes et des masques nous regardent regarder. Des robots  qui bougent et parlent de temps en temps nous fascinent : sur des tiges de métal, trois têtes d’oiseaux (morts?) s’envoient - par hasard - les dialogues de Le bon, la brute et le truand. Dans l’espace final conçu comme une maison peuplée de robots, un gros poulpe rose déballe ses tentacules gonflables pendant que d'imminents roboticiens expliquent ce qu’il cherchent et trouvent à leurs robots hyper-réalistes.

Douter de ses perceptions quand on ne les comprend plus revient donc à dialoguer avec les esprits et donner une forme à son angoisse, mettre du discours sur l'inconcevable pour lui trouver une utilité ou une consolation, voir une finalité.  Là, ça gratouille dans le religieux, dans la psychanalyse ou la science-fiction. Comme par hasard, tous les artefacts employés pour y voir plus clair. Ce transfert ou cette confusion qui s’opère alors entre l’humain et le non-humain, et la relation particulière et personnalisée qui les lie, dans les cultures les plus variées, est le vaste sujet de cette exposition d’anthropologie. La seule expo qui vous permet de conjuguer Homère et Tonino Valerii, Descartes et Sergio Leone, Edison et le vaudou, voir Bob l'éponge et Madame Tussaud. D'un excellent rapport, non ?  


Exposition Persona : étrangement humain -> 13/11/16
Musée du Quai Branly 37, quai Branly 75007 Paris
Mardi, mercredi et dimanche:  11h00 /19h00
Jeudi, vendredi et samedi :  11h00 - 21h00