Jan Dibbets : L'Ailleurs de la photo contemporaine au Musée d'art moderne
Au cours de la brève histoire de la photographie, nous pouvons voir comment ce médium diabolique et hybride a commencé à revendiquer de plus en plus sa position dans les arts, notamment depuis les années 60 avec l'art conceptuel. Jan Dibbets
Le Musée d’Art moderne a invité le Néerlandais Jan Dibbets – dont la propre contribution à l’art conceptuel fut décisive – à une relecture de l’histoire de la photographie, depuis son invention jusqu'à nos jours. En rupture avec une approche conventionnelle de l’exposition, le ci-devant commissaire entend suivre la ligne qui est la sienne depuis les années 1960, déjà manifeste, lors des expositions qui lui ont été consacrées (1980, 1994, 2010) au Musée d’Art moderne. Sortir des allées officielles, retrouver les chemins de traverse, faire surgir une autre vision.
Jan Dibbets s’est emparé du projet à la hussarde. Car, pour lui la force du médium photographique réside dans ses spécificités et dans les possibilités offertes par la technique, plus que dans le contenu et l’objet photographié. À contre-courant de l’institutionnalisation progressive de l’image documentaire, il se réfère à la réponse que fait Duchamp à Stieglitz sur la photographie, en 1922 : « Vous connaissez exactement mon sentiment à l’égard de la photographie. J’aimerais la voir conduire les gens au mépris de la peinture jusqu’à ce que quelque chose d’autre rende la photographie insupportable » (« Can a Photograph Have the Significance of Art », MSS, n° 4, décembre 1922, New York).
Brisant les codes muséaux tout en conservant un relatif cadre chronologique, l’exposition interroge la nature de l’épreuve photographique à l’époque du numérique, ainsi que les rapports qu’entretiennent photographie et arts visuels. Bien que la photographie se retrouve très tôt en compétition avec le réalisme pictural (Ingres), ce sont les scientifiques du XIXe siècle qui apparaissent ici comme les véritables visionnaires, ouvrant la voie à toute la production du XXe siècle. Nicéphore Niépce, Gustave Le Gray, Etienne-Jules Marey et Eadweard Muybridge seront exposés à côté de photographes moins connus mais non moins déterminants aux yeux de Jan Dibbets, tels Wilson Alwyn Bentley ou Etienne Léopold Trouvelot. Leurs successeurs directs sont Karl Blossfeldt, Man Ray, Alexandre Rodtchenko, Paul Strand, Berenice Abbott… jusqu'à Bruce Nauman.
Comme une apologie de sa nature reproductible, cette « Boîte de Pandore » qu’est le medium photographique autorise toutes les libertés : exposer côte à côte deux images similaires, un positif et son négatif ou encore la réplique d’une œuvre célèbre par un photographe ultérieur.
En point d’orgue, est présentée une sélection d’œuvres d’artistes contemporains (Liz Deschenes, James Welling, Thomas Ruff, Katharina Sieverding, Seth Price, ou Spiros Hadjidjanos…) dont le recours aux technologies digitales oblige à étendre la notion d’« objet photographique », suivant l'expression de Markus Kramer. Et pour vous introduire au contenu de l'exposition à venir, une des dernières conférences vidéo de Dibbets sur ce même sujet, datant de l'automne 2015.
Une autre photographie par Jan Dibbets, du 25 mars au 17 juillet 2016
Musée d'art Moderne de la Ville de Paris
11 Avenue du Président Wilson, 75116 Paris
MAM de Paris