Coil a découvert un singe à Naples, qui l'eut cru ?

Dernier album de Coil, et peut-être le meilleur dans la veine classique du groupe, The Ape of Naples est dans un mood très Tuxedo Moon. C'était un des meilleurs de 2005 et cette réédition est un vrai bonheur. Détails suivent.

En 1984, la première réalisation des ex-Throbbing Gristle John Balance et Peter Christopherson s'intitulait How to Destroy Angels qui a été décrit comme « une musique rituelle pour l'accumulation de l'énergie sexuelle masculine», et a été produit dans un ensemble de conditions technologiques, spirituelles et météorologiques que le groupe a qualifié de magique. On traduit cela pour les malvoyants (ou peu habitués à la musique industrielle et ses sous entendus allégoriques), de la musique selon la théorie de l'orgone chère à Wilhelm Reich. Un aperçu ici-même :

Industrielle, souvent bruitiste, leur musique est sans cesse fluctuante, au point qu'il est difficile de reconnaître le groupe d'un album à l'autre. Avant-gardiste, elle est issue de nombreuses techniques et inspirations : la trans-communication instrumentale (EVP ou TCI), le cut-up, l'usage de drogues, le rêve lucide, son sidéral, la synthèse granulaire, les « inversions de marée », des méthodes de clairvoyance à la manière de John Dee, le glitch (usage délibéré de défauts sonores), la théorie du chaos, etc. On note aussi l'usage intensif d'instruments traditionnels ou archaïques :  synthétiseurs obsolètes ou photo-électriques, Thérémine ou du shakuhachi électronique.

Coil a aussi l'habitude de séparer son travail en de nombreux side-projects, publiant de la musique sous différents noms, comme : Elph, Zos Kia, The Eskaton, Black Light District, Time Machines. Ils ont contribué à la musique de deux films de Derek Jarman, Blue et The Angelic Conversation, et à une version alternative de la bande originale de Hellraiser.

Ecouter The Ape of Naples en 2016 est une drôle d'expérience. C'est le dernier enregistrement avec John Balance et c'est un parfait résumé de carrière de leur approche classique de la musique dans la veine de Love’s Secret Domain et Musick to Play in the Dark, vol. 1, plutôt que celle adoptées sur des parutions plus récentes comme ANS, Constant Shallowness Leads to Evil, ou Astral Disaster. Ape est le produit de sessions du milieu des années 90, faites pour le label de Trent Reznor, Nothing, couplées à des enregistrements de terrain plus récents comme “Triple Sun” et “Tattooed Man”. Balance et Peter Christopherson sont accompagnés de Danny Hyde, Ossian Brown, Thighpaulsandra (qui en a remixé et complété certaines plages sur cette réédition) et Cliff Stapleton. Le choix et l'ordre des titres est parfait, qui fait monter un sentiment de magie diffuse, portée par la voix aussi belle qu'expressive du regretté Balance. De l'indus-goth de “Heaven’s Blade,” aux atmosphères tordues de “Tattooed Man” jusqu'au climax final de “Going Up”, il est partout, même en confondant sa voix avec Francois Testeroy.  Electro, pop indus,  folk noir marquante et même au-delà.

Grand disque qui colle au plus près de son propos très dark, se baladant d'addiction en sensations de mort et dépressions multiples. Du romantisme noir, comme il y en a peu à ce niveau d'expression.

Maxime Duchamps

Coil - The Ape of Naples (Important Records)