Pour le compte de la seule nature, Meredith Monk

Toujours entre plusieurs mondes, Meredith Monk a inspiré aussi bien Björk que Johanna Newsom ou Kate Soper. Entre langage folk et études musicales classiques, une voix et un courant à elle seule. Et une incroyable variété d'effets à fond de gorge.

En cinquante ans de carrière, Meredith Monk s'est assurée de renouveler le genre du chant, aussi bien en temps que chanteuse que comme compositrice. Dans le registre haut des aigües d'acier et des graves dramatiques en bas, avec dans les registres intermédiaires une variété d'effets étonnants autant que corporels.

Sa voix emprunte d'étranges trajectoires, passant sans encombre d'une légère vibration au cœur du titre, des lèvres pincées à des cris de gorge pour mentionner aussi bien des souvenirs d'enfance que des émotions maîtrisées. 

Ici, même si elle démarre quelques compositions par quelques phrases d'anglais, la voix s'envole aussitôt ailleurs, usant de chants sans mots qui communiquent tout autant que de simples chansons, changeant de registre à volonté, passant du folk au classique, canalisant sans effort la multiplicité des techniques employées. 

On Behalf of Nature est titré d'après un spectacle récent de sa troupe, une méditation sur l'écologie et le dérèglement climatique; mais jamais envisagée de façon littérale, la compostitrice y instillant des ressorts dramatiques pour construire son histoire.  En plus de son groupe vocal, on y trouve le fin percussionniste John Hollenbeck, la harpiste Laura Sherman et une chanteuse du groupe, Allison Sniffin, double au piano, au violon et au cor.

Depuis peu, on lui demande d'écrire de plus en plus pour orchestre et quartet à cordes. Et les notes de pochette de l'album disent clairement qu'aujourd'hui instruments et voix jouent à égalité d'importance dans l'album. Si l'on sait depuis son opéra Atlas, en 1991 qu'elle est une des plus grandes chanteuses au monde, elle inspire toujours autant de passion et sa technique fait toujours autant d'effet à l'auditeur, même si à 74 ans, elle n'est plus dans la maestria d'il y a 20 ans, comme sur Do You Be. Mais ce qu'elle a perdu en puissance vocale, se retrouve dans sa manière de composer et c'est vraiment impressionnant.

Jean-Pierre Simard

Meredith Monk – On Behalf of Nature (ECM New Series)