Au fil de l'eau, les Ophélies de Christophe Cartier

Fasciné par les noyades et les figures féminines révélées par la photographie de la fin du 19e siècle – l’Inconnue de la Seine (photographie anonyme) ou les chronophotographies de Jean-Martin Charcot à la Salpêtrière – , Christophe Cartier travaille sur les états suspendus dans les représentations préraphaélites du personnage d'Ophélie. Très très singulier, à notre avis. 

D'après une photo réalisée lors d’une séance avec Misungui Bordelle - Ophélie 2016
Technique mixte 55 cmX 33 cm

 

Photographe, il se réfère également au montage photographique de Dali « Le Phénomène de l'extase ». L’artiste se dit intrigué par tous les états seconds situés entre extase, folie ou mysticisme, abandon et noyade. Les noyades,  lui qui vit au bord de la Seine les tient pour familières, car leurs récits ou figures l’ont accompagné depuis l’enfance. Avec cette nouvelle série, Christophe Cartier interroge, de surcroît, la définition de la représentation lorsqu’on y introduit les notions de double, d’original et de copie. Il y alterne différents médiums, certains tableaux sont réalisés en s’inspirant de ses propres photographies – questionnant de fait leur reproductibilité –, d’autres sont « travaillés entièrement à la peinture. », comme l’artiste tient à le préciser. Il raconte : « Lorsque j’exposais en Belgique il y a 30 ans,  pour passer la douane, on devait faire appel à un transitaire qui devait obligatoirement préciser sur le contenu « œuvres entièrement réalisées à la main ! ».

Pour cette troisième exposition chez Detais, l’artiste a utilisé pour chaque œuvre une technique différente. Des techniques mixtes, dont certaines réalisées à partir de ses photographies et sur lesquelles il travaille avec de grandes flaques de couleurs. L’ensemble devient alors une image incarnée dont la vision d’ensemble abolit la frontière entre photographie et peinture. Ce mode opératoire a été nourri au cours des trente-cinq années de pratique de Cartier, et il donne à ses tableaux, pour peu que l’on s’attarde au-delà de la surface des choses, une impression de transparence colorée. C’est que Christophe Cartier ne peint pas avec des pinceaux. Il organise en effet ses tableaux avec des pans entiers de couleurs qui, superposés, constituent comme des glacis colorés, principal élément de composition. Peintes au préalable par l’artiste sur du papier kraft – qu’un mélange huileux a rendu translucide – ces surfaces sont ensuite collées sur la toile.

"Ophélie" 2016, 80 cm /120cm peinture sur toile entièrement faite à la main (comme disait les belges dans les années 80 ! ) D'après une photo réalisée lors d’une séance avec Misungui Bordelle

« Si j’ai été attiré par le journalisme et particulièrement par le reportage photo, c’était pour l’amour que je portais aux gens et l’envie que j’avais de les connaître. Une curiosité pour le monde. Je retrouve dans certaines de mes photographies d’aujourd'hui la relation privilégiée que j’ai eue avec certaines personnes que je photographiais dans les années 80. Je pense notamment à Sylvestre. Une image de lui figure dans le catalogue de l’exposition « It Was a Very Good Year in the Eighties », en 2013 à la galerie Detais. Plus récemment, les images que j’ai faites de Nathalie sont du même ordre : un échange a lieu entre le modèle et moi, l’un comme l’autre souhaitant témoigner de sa présence au monde, et partager celle-ci. »

Maxime Duchamps (avec galerie)

Ophélies et autres images de Christophe Carter -> 14/01/17
Galerie Detais 10, rue Notre Dame de Lorette 75009 Paris
(Dans la cour) Du mardi au samedi - 13h -18h et sur rendez-vous
Site de l'artiste, ici