Rythmes de résistance syrienne jazzy avec Naïssam Jalal

Un jazz aux saveurs orientales qui sonne un peu comme le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden pour ses envolées politiques, mais dirigé par une femme : Naïssam Jalal, qui se sert de sa double nationalité franco-syrienne pour exiger liberté et droit de vivre, en créant de saisissantes mélopées entre deux mondes, de l'Orient à l'Occident et retour. Splendide.

Rhythms Of Resistance, le groupe de la flûtiste franco-syrienne Naïssam Jalal est formé de Mehdi Chaïb aux saxophones et percussions, Karsten Hochapfel à la guitare et au violoncelle, Matyas Szandai à la contrebasse, puis Arnaud Dolmen et Francesco Pastacaldi à la batterie. Le titre de son album : Almot Wala Almazala, "La mort plutôt que l'humiliation", était le cri de ralliement scandé en 2011 par le peuple syrien assommé par son régime autoritaire. Il résonne encore, avec la guerre qui décime le pays et la crise diplomatique qui régit les débats entre Russie et "monde libre" ...

Almot Wala Almazala est une ode à la liberté d'expression et de pensée envisagée sous l'angle de la sensibilité et menée avec force et créativité. La liberté qui inspire l'improvisation du jazz, mais aussi guide l'interprétation des maqamat (ces différents modes que l'on retrouve dans la musique orientale). L'univers musical intimiste de Naïssam Jalal se dévoile entre Orient et Occident, entre jazz et musique classique orientale. Enivrant, hypnotique, grave, sombre et radieux à la fois, l'album au-delà des frontières.

Almot Wala Almazala :« c’est pour rendre hommage à leur courage et rendre hommage aux centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants morts sous les balles ou la torture, morts de faim, assiégés par le régime et l’indifférence du monde » est le morceau final, une suite en 4 mouvements, qui gagnent à chaque fois en intensité, dans une marche qui paraît aussi inexorable qu'imprévisible.

Les 9 titres de l'album rendent hommage au courage d'une population meurtrie, prise en étau entre deux forces obscures: la dictature d'un président vissé à son trône et le joug d'un prétendu état, engendré par un groupe de terroristes incultes. La jeune résistante oppose à l'horreur la beauté profonde de ses compositions, faites d'influences diverses piochant autant dans les répertoires traditionnels arabes, qu'elle a apprivoisé à Damas, au Liban et en Egypte, que dans le jazz, avec un penchant manifeste pour l'éthiogroove. On adhère, forcément.

Naïssam Jalal & Rhythms of Resistance : Almot Wala Almazala 
(Les Couleurs du Son / L'Autre Distribution)