Delhi joue à cache-cache avec ses bidonvilles depuis 30 ans

Après avoir reçu le prix photo AFD/POLKA, Johann Rousselot expose à la MEP le travail réalisé à Delhi autour de l'explosion de la ville. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est aussi beau qu'horrible dans les faits. 

Il y a des siècles de cela, Delhi était la cité la plus peuplée du monde. Pour le meilleur ou pour le pire, tout indique qu’elle va le devenir à nouveau. La ville a passé son temps à courir derrière la réalité en espérant la rattraper et l’arnacher, et n’a eu de cesse, depuis la Partition, d’essayer de contrôler les vagues migratoires et leurs conséquences urbanistiques. Delhi illustre à merveille ce paradoxe : si vous améliorez une ville, plus de gens viendront s’y installer ; et si plus de gens viennent, ce lieu empirera. Les défis sont immenses : accès à l’eau potable, réseaux de transport public, énergie, pollution, durabilité…

Le monde change et les destins se globalisent, inextricablement liés. Les photographes y sont des messagers précieux, dont le travail est essentiel pour sensibiliser un public toujours plus large. L’AFD et Polka ont créé le Grand prix AFD/Polka du meilleur projet de reportage photo, doté de
15 000 euros. Celui-ci offre la possibilité de réaliser un reportage sur une thématique de son choix, liée au développement des pays du Sud, puis de bénéficier d’une publication exclusive dans le magazine Polka comme d’une exposition à la Maison Européenne de la Photographie, également partenaire du prix.

Johann Rousselot, lauréat de l’édition 2015, s’est ainsi rendu à New Delhi pour rendre compte des défis immenses de la ville. Accès à l’eau potable, transports, énergie… il met en lumière les paradoxes du Grand Delhi, devenu, sans avoir eu le temps de s’en rendre compte, une mégalopole menée par les forces de la globalisation. Plus largement, il nous questionne sur l’avenir de ces espaces sous tension et les impacts de cette évolution pour les hommes.

Johann Rousselot par Thomas Saito

Le travail de reportage est vraiment abouti, et à le suivre (en vidéo dans l'expo) au fil des rues, des ex-terrains vagues et au milieu des bidonvilles à dialoguer avec les habitants, on voit que la planification indienne a bien des ratés. A tel point que, chaque fois qu'on construit des cités pour accueillir les gens des bidonvilles, à 50 km des précédents, les occupants fuient ces immeubles loin de tout, pour aller reconstruire leur précédent lieu de survie, car plus proche des seuls emplois citadins auxquels ils ont accès, via la petite restauration ou épicerie de quartier, voire les ménages. On y assiste aussi à des scènes hallucinantes de bidonvilles enclavés dans des constructions neuves ou encore de constructions au bord du fleuve très pollué qui narguent les cabanes, juste sur l'autre rive … Le jeu de la modernité à tout prix versus la survivance pour les autres n'a pas fini de nous étonner ; de ce côté-ci du monde. Car là-bas, on fait avec. Et ce, bien avant la partition. Super boulot et belles vidéos. 

Jean-Pierre Simard

La même chose à Bombay / Johann Rousselot

Johann Rousselot Now Delhi, les trente désatreuses? -> 29.01.2017
MEP 7, rue de Foucry 75004 Paris