Romain Moriceau : In Heaven Everything Is Fine

Heaven, heaven is a place, a place where nothing never happens… There is a party everyone is there and everyone will leave at exactly the same time … and it will start again !

Des fragments d’une idée de l’ailleurs, l’évanescence parfumée d’un endroit utopique ou encore des chants d’oiseaux disparus tourbillonnent autour de nous avec les travaux de Roman Moriceau. Véritable envie d’une expérience où les pièces communiquent, l’artiste nous amène dans un jardin d’Eden rêvé, un paradis fantasmé. Aujourd’hui où l’on pense que l’ailleurs est toujours mieux, ce titre aux allures fabuleuses nous invite dans un voyage esthétique qui nous fait réfléchir aux effets papillons de nos actes.

Dans une précédente exposition bruxelloise Tristès Tropicos, Roman Moriceau montrait une sérigraphie au cuivre Botanische Garten (2015). Cette dernière provient de prises de vues photographiques capturées dans le jardin botanique de Meise, en Belgique. Sous ces forêts irréelles, l’utopie stéréotypée d’une conception exotique de l’ailleurs transparait. Dans ce jardin, les plantes sont exposées par variété et non par géographie, et forment une plantation fantastique où cohabitent des plantes d’Asie, des Amériques et d’Afrique. L’artificiel de la situation ressort dans cette nouvelle exposition car Roman Moriceau décide de continuer la série avec d’autres photographies, cette fois-ci retravaillées par collage, créant des ensembles inexistants. Perception d’un monde modulable pour répondre à nos fantasmes d’évasion, l’ici est terne et l’ailleurs toujours plus attrayant. En s’approchant on découvre que la couleur est en fait matière puisqu’une fine couche volatile de cuivre recouvre ces sérigraphies. Utilité esthétique mais surtout utilité représentative, le cuivre nous conte l’histoire de sa triste utilisation.

Ce voyage paradisiaque continue par l’expérience olfactive et sonore qui nous transporte loin du brouhaha parisien, de la vie citadine grise et oppressante. Un souffle lointain et une brume voyageuse de verdure, de terre mouillée, de forêt et de paradis s’offrent à notre odorat. Ce parfum, né d’une collaboration avec le laboratoire d’idées Mallonlab, émane du jet de la fontaine aux émaux irisés. Au bruit de l’eau s’ajoute le chant doux de quelques oiseaux disparus. Ils chantent de temps à autre « In Heaven Everything Is Fine » des Talking Heads. On entend également ailleurs dans la galerie un chant fouillis d’oiseaux d’espèces éteintes et même la recréation du chant du dodo. Réelle poésie morbide, ces enregistrements nous plongent dans une jungle dense où les oiseaux braillent et où l’on peut ressentir une chaleur étouffante et moite. Les œuvres de Moriceau se répondent, s’entrechoquent et se mélangent formant un espace où l’on peut s’autoriser à rêver d’un ailleurs utopique ou dystopique.

Emma Nubel & Christophe Le Gac

Romain Moriceau In heaven everything is fine
Galerie Derouillon 38, rue Notre Dame de Nazareth 75003 Paris
Le site de la galerie