Zappa de z à a, biographie tumultueuse d'un génie

Pour comprendre l'influence d'un musicien qui avait adopté la musique de Varèse et correspondu avec lui à 12 ans, il faut mieux partir de la fin et le voir mourir reconnu enfin du monde de la musique contemporaine. Mais bon, après tout, comme le disait son maître " les compositeurs d'aujourd'hui refusent de mourir." Freakout ?

 Implacable commentateur ironique de la société américaine et grand dégonfleur de baudruches, Frank Zappa, fils d'un ingénieur aéronautique et d'une mère au foyer a vécu l'enfance déplacée d'un fils de militaire au gré des affectations de son père qui ne rêvait que de s'installer en Californie pour atténuer l'asthme de son fils.

Ceci fait, Frank Vincent commença à s'intéresser à la musique par l'écoute d'abord de Stravinsky et Varèse, avant de fondre sous le charme du doo-wop et du rock'n'roll, puis du blues et du jazz. Apprenant seul la théorie musicale et l'écriture de partitions, il écrivit sa première œuvre à 14 ans, et ce n'était pas du rock, mais un hommage à Varèse et ses Ionisations. Installé près de Los Angeles en 1965, il y croise les premiers Mothers of Invention et commencent à hanter les clubs du strip et finit par rencontrer Herb Cohen qui négociera son premier contrat avec MGM pour la sortie de Freak Out, un des premiers double-album de l'histoire du rock avec le Blonde on Blonde de Dylan en 1966.

A partir de là commence la carrière de Frank Zappa, compositeur, guitariste génial, chef d’orchestre intransigeant. Il réalisera une soixantaine d’albums (une vingtaine d’autres paraîtront à titre posthume), pour son compte et pour d’autres artistes. Il travaillera avec Captain Beefheart, Lowell George, Jean-Luc Ponty, George Duke, Steve Vai, Adrian Belew... mêlant sans vergogne les genres, les registres et les écoles pour faire du bruit et avancer la musique, quitte à y inclure comme Spike Jones et Varèse, cloches et grognements et toujours jouer des vocaux les plus absurdes pour prendre l'auditeur à contre-pied avant qu'il ne succombe, en tombant sous le charme.

Zappa c’est à la fois l’Amérique et l’anti-Amérique. Jamais artiste n’aura poussé aussi loin le sens de la satire et fustigé sous des airs déconnants le fameux way of life of America. Lorsque Vaclav Havel arrive au pouvoir, à la fin des années 80, il nomme Frank Zappa en tant que conseiller personnel et ambassadeur itinérant de Tchécoslovaquie. Ce qui d’après les commentateurs n’avait rien d’un artifice. Zappa s’y consacrera avec autant de sérieux qu’à sa musique.

Cette expérience l’incite à se présenter en 1991 aux élections américaines comme candidat indépendant, ceci bien qu’il ait déclaré quatre ans avant : "Je ne me présenterai que le jour où il y aura moyen de se passer des partis républicain et démocrate, dont les programmes sont inadaptés à la réalité et font régulièrement faillite dès lors qu’ils sont appliqués".

Décédé le 4 décembre 1993 des suites d'un cancer de la prostate, dans les bras de sa femme Gail, il venait de mettre la dernière touche à Civilization Phase III. Là s'arrêtait la carrière de celui qui fut tour à tour batteur, cinéaste, guitariste, chef d'orchestre, peintre, écrivain, cinéaste ingénieur du son, producteur.

Guy Darol, éminent spécialiste de la science zappesque, a encore une fois trouvé de nouvelles anecdotes pour pimenter son récit sur le génie dont il est question. On rappelle une maxime qui fait toujours son effet : "l'Esprit, c'est comme un parachute, ça ne fonctionne que si c'est ouvert."

 

Biographie de Frank Zappa par Guy Darol, Folio bibliographie