Un Rauschenberg très bordure chez Ropac…
Robert Rauschenberg avait de l'humour. A n'en pas douter, les jeux de mots et double bind (entente à double détente) étaient sa partie. Il a décidé d'en faire une série intitulée Salvage, présentée chez Ropac Marais. Revue de détails.
L’exposition présentera des peintures de la série des Salvage (1983-1985), la dernière à avoir été réalisée sur toile par l’artiste. Composée de toiles peintes et sérigraphiées à partir d’images trouvées dans des magazines ou de photographies prises par Rauschenberg lui-même, la série présente diverses références autobiographiques qui évoquent les sujets et la composition des célèbres Silkscreen Paintings du début des années 1960. Bien qu’utilisant des techniques d’impression commerciale et recyclant l’imagerie issue des médias de masse, celles-ci demeurent expressionnistes, picturales et éclatées dans leur agencement.
Rauschenberg aime les jeux de mots et la signification exacte de Salvage demeure ambiguë. D’un point de vue historique, salvage est un terme emprunté au vocabulaire maritime qui désigne l’acte de secourir les rescapés d’un naufrage et, par extension, l’acte de récupérer les biens qui ont pu être sauvés. Le titre de la série, qui joue également sur l’ambivalence phonique avec le mot selvage, désignant un bord de tissu destiné à être coupé puis jeté, rappelle l’importance de l’utilisation d’images et d’objets trouvés dans la pratique de l’artiste depuis ses débuts. Dans ce cas précis, cela pourrait faire référence aux toiles de protection employées par Rauschenberg pour sérigraphier les costumes de Set and Reset (1983), la pièce chorégraphique de Trisha Brown, et qu’il a « sauvées » avant d’entamer ses peintures.
Rauschenberg était convaincu que la peinture est indissolublement liée à « l’art et à la vie et que ni l’un ni l’autre ne peuvent être fabriquées », comme il l’a indiqué en 1959 dans une formule restée célèbre. Érigeant cette certitude en principe créatif, il crée des œuvres initiant un dialogue constant avec les spectateurs et le monde environnant, tout comme avec l’histoire de l’art. Mélanger des sérigraphies de photographies prises par lui-même avec l’abstraction gestuelle lui permet alors d’incorporer des éléments de la réalité dans le domaine de la peinture.
Considérant le monde comme une immense peinture, son projet central a toujours résidé dans la volonté de trouver la manière la plus astucieuse de recadrer et de regrouper des éléments de l’actualité et des matériaux du monde réel pour les introduire dans son œuvre. Bien qu’elle ne s’articule pas à un thème précis, la série des Salvage compte parmi ses plus grandes réalisations. L’ensemble des peintures présente des motifs récurrents (bicyclettes, voitures, animaux et architectures) qui reflètent le rapport renouvelé de Rauschenberg à la photographie au début des années 1980. À travers son travail photographique, l’artiste développe en effet une relation privilégiée à la mémoire et à l’archéologie du temps présent. Ses peintures en portent la trace et s’en font l’écho vibrant jusqu’à ce jour.
Rauschenberg - Salvage -> 14/01/17
Galerie Thaddaeus Ropac Marais 7, rue Debelleyme 75003 Paris
Site de la galerie, ici