Kurozuka : trois moines, une ogresse et du kabuki

 

Dans "Kurozuka", l'ogre du Petit Poucet est une ogresse et le kabuki en version 2016 relit les vieilles légendes pour parler d'actualité travestie.

Ennosuke, la version Nô de la pièce. 

Ennosuke, la version Nô de la pièce. 

Originellement, le kabuki au Japon, est le théâtre d'avant-garde, et sa forme épique. Représentant à la fois, le chant, la danse et l'habileté des comédiens, dont seuls les hommes pouvaient jouer des rôles de femme, il se distinguait par des dispositifs scéniques et des maquillages outranciers destinés à souligner les moments forts et les retournements des actions. Mais on oublie souvent qu'il fut inventé par la prêtresse Okuni en 1603 qui se présentait aux spectateurs déguisée en homme, afin de prendre du bon temps dans les bordels environnants. Scandale qui fit remplacer les actrices par de jeunes acteurs jouant leurs rôles, mais comme ceux-ci avaient aussi des mœurs dissolues, le Shogun d'alors décida que ces rôles seraient dorénavant incarnés par des acteurs d'un certain âge, afin que tout rentra dans l'ordre en 1653. Macho, macho men … Longtemps tenant de l'idéologie nationaliste, cette forme de théâtre spécifiquement japonaise et entrée au Patrimoine oral et intemporel de l'Unesco depuis 2005 a retrouvé depuis les années 50 un nouvel éclat, avec des pièces écrites notamment par Yukio Mishima qui œuvra aussi pour la scène du théâtre Nô. Et depuis lors, les metteurs en scène adaptent des pièces du répertoire théâtral du monde entier, en leur donnant la kabuki touch ou, comme ici, adaptant le répertoire classique de leur pays avec une autre approche.

Kurozuka est une pièce de kabuki écrite en 1939 et inspirée d’un nô. Elle a pour thème, une légende de la région du Tôhoku : des moines en voyage font halte chez une vieille femme qui se révèle être une ogresse...  Si la pièce de kabuki mettait l’accent sur la danse de la vieille femme, Yuichi Kinoshita y privilégie l’analyse de ce personnage, ajoutant même des éléments qu’il a découverts sur son passé, et souligne la force du récit. Alternance de la langue du kabuki avec celle d’aujourd’hui, transformation de la masure en une lande éclairée par la lune, ou encore fusion de la gestuelle du kabuki avec la danse contemporaine : une immersion dans un univers qui n’est ni passé ni présent !  

 
Kurozuka

Kurozuka


Yuichi Kinoshita, intéressé dès l’enfance aux arts traditionnels, a acquis au fil des ans une connaissance approfondie dans ce domaine; et il a créé en 2006 la compagnie Kinoshita-Kabuki. Se considérant comme « un intermédiaire entre les auteurs classiques et les metteurs en scène contemporains », il fait appel pour chaque projet à un jeune metteur en scène et tient le rôle de superviseur. La création commence par une étude minutieuse de la pièce d’origine, puis les acteurs apprennent à jouer fidèlement cette version classique. Les paroles et les gestes sont ensuite recréés avec un regard contemporain.

A priori, des moines taillant la route et s'arrêtant dans une auberge tenue par une ogresse qui veut les dévorer, ça mérite la comparaison avec le Petit Poucet. Si en plus c'est adapté pour faire parler l'actualité, on a même hâte…

 

kurozuka_logo.png

Kurozuka de Kinoshita-Kabuki - 28 > 30 jan. 2016 à 20h
MCJP - 101 bis, quai Branly, 75015 Paris
Grande salle (niveau -3) Durée : 2h (présentation par Yuichi Kinoshita incluse) Placement libre - Tarif 20 € / Réduit 18 € / Adhérent MCJP 16 €