Fat White Family, un éléphant dans la porcelaine anglaise

Fat White Family, groupe visionnaire, démolit l'Angleterre de 2016 avec un second album controversé et nihiliste.


Quand pour une fois, le dossier de presse ne ment pas : " Certains vont trouver que Songs For Our Mothers est le pire album de l'année, si pas celui de sa génération ; le travail d'un ramassis de nihilistes dégénérés démolis par l'alcool et la drogue. D'autres affirmeront que ce parti-pris de dégoût, défiance et de totale indépendance créatrice venu du seul groupe de rock qui compte en Angleterre a raté sa cible et le fait compter dorénavant pour du beurre.
Mais il y en aura sûrement pour lesquels le second album de Fat White Family, sorti sur leur propre label Without Consent, et distribué par PIAS ici, ne rentrera dans aucune de ces cases, car ils n'en auront rien à cirer. Tous ceux pour qui cette musique qui fait se dresser les cheveux sur la tête, avec ces hymnes disco boules à facettes, son psyché défoncé, son punk glam, ses chansons arrache-tripes et ses miettes dekraut'n'western sont exactement ce qu'ils attendaient du rock anglais depuis très longtemps."

Bon, inutile de souligner que nous sommes du côté de ces derniers, intrigués depuis les premiers concerts ( le seul groupe de rock à voir live du moment), les singles et les vidéos qui défoncent la rétine du genre de " I am Mark E. Smith", "Touch the Leather" ou le dernier "Whitest Boy on the Beach" en faux couplet skinhead, filmé là-même où Throbbing Gristle avait shooté la pochette de 20 Jazz Funk Greats, album - inutile de le dire - ne recélant aucun des éléments précités. Un titre dont les deux auteurs Lais et Saul disent qu'il traite de la manière dont un mec rêve à des fascistes en se levant le matin; pour finir par en voir partout à la fin de la journée. "Hit, Hits, Hits", parle de la relation à la fois géniale et tordue de Ike et Tina Turner. Géniale dans leur manière de composer et triviale dans leur vie domestique, toute de bastons et d'engueulades finissant à l'hôpital.  


Mais au fil de l'album, ça secoue encore plus avec "Goodbye Goebbels" traitant des relations d'Hitler avec ses proches, quelques instants avant leur suicide collectif dans leur bunker. "Tinfoil Deathstar" parle d'une addiction à l'héroïne qui finit évidemment mal, à travers les yeux d'une victime nommée David Clapson. Quant à "Satisfied", il parle de l'attrait mêlant effroi et répulsion de se faire tailler une pipe par … Primo Levi. On ne dévoilera pas tout, un peu de surprise fait du bien à l'auditeur déjà alléché par ce qui précède.

Dans le registre décalé, mais totalement en place, on peut mettre cet album aux côtés d'ancêtres illustres comme le SF Sorrow des Pretty Things ou le Muswell Hillbillies des Kinks. Le premier pour être allé fouiller le psychédélisme anglais là où on ne l'attendait surtout pas avec son vaudou Baron Saturday ; quant au second, avec Alcohol et Twenty First Century Boy, il marque le retour au rock britannique de base après les envolées expérimentales des années 67 à 70. Qu'en est-il alors de ce Songs for Our Mothers ? Bilan cultivé et narquois 2015 des années Cameron ? Ultime tentative de remettre le rock sur la carte des musiques qui comptent quand Fat White Family passe pour le seul et dernier groupe engagé à agir de la sorte, avec une majesté et un je-m'en-foutisme royal devant l'adversité, en mixant ce qui lui semble adéquat pour trouver le bon son, du punk à la disco…   Grand disque malade d'un pays qui n'en peut mais de ses divisions sociales et de la politique réactionnaire de son Premier ministre vu du côtés des conséquences sur la population, quand un titre est justement nommé "We Must learn to Rise" ? A vous de juger, mais c'est pour nous le second disque obligatoire de 2016, une synthèse rock inouïe, après le Darkstar de Bowie qui possédait lui-même une pochette en noir et blanc…

Songs for our Mothers /Fat White Family ( Without Consent/Pias)