Hood By Air & La Beauté En Crise
Audacieux, on va vous citer Grazia : "Lorsque Hood By Air a éclos à New York, aucune rédactrice n’aurait su dire précisément pourquoi elle se damnait pour ces silhouettes de zombies street à collerettes en plexy. "Il y a une énergie", exultait le New York Times en février dernier. En quelques saisons, le petit gars de Brooklyn, qui avait débuté en 2006 avec des T-shirts griffés, a initié un culte. Hood By Air s’apparente à une secte. Celle des jeunes exclus d’un monde en crise. Oliver met en lumière une marge fascinante qui prolifère dans les raves et la sous-culture 2.0. Lui-même DJ pour des soirées street goth, il mêle rap, techno, heavy metal à la cadence infernale du business du prêt-à-porter."
Voilà. Ce n'est pas mal. On est d'ailleurs plus souvent d'accord avec la presse de mode qu'avec la presse d'information générale. Au moins ne risque-t-elle pas trop de se tromper. Ce qui nous intéresse, nous, dans cette "secte" que serait HBA, c'est qu'elle soit à ce point d'abord invraisemblable pour les adultes, qui ont longtemps cru que les jeunes continueraient à s'habiller comme eux : Vans, jeans designer et casquette.
HBA est moins une révolution de la mode, qui a toujours été capable d'audace, qu'une révolution du streetwear, si longtemps figé dans les clichés, et donc de l'univers mental des jeunes qui le portent, dans nos banlieues ou dans un bidonville de Kingston, Lagos ou Rio de Janeiro. Car c'est ainsi que s'habillent maintenant les durs de durs du ragga jamaïcain. Envoyant paître aussi bien les clichés de la virilité prolétaire (qu'est-ce qui est aussi répandu maintenant que les sourcils épilés à la Ronaldo ?) que l'idée bourgeoise de ce qui se fait et ne se fait pas (les coupes de cheveux des footballeurs sont une annexe fantaisie du salon de la coiffure, en évolution permanente).
Dans son dernier défilé, HBA collectionne les gueules cassées, trafiquées (pensez aux dentiers des rappers d'aujourd'hui), écrasées par des bas qui évoquent à la fois le braqueur et celui qui veut échapper aux logiciels de reconnaissance des visages (leur solution est bien moins chère et meilleure que celles inventées jusqu'à présent par les artistes cyber : il suffisait de penser à en faire une mode). C'est se moquer de la beauté. Ou non ? La redéfinir ? Ou s'en méfier ? Indice que nous vous proposons : la similitude entre la démarche 2015 de HBA et les photomontages post-guerre des tranchées et pile dans la crise des artistes DADA des années 20.