Alvaro Ortiz, la collectionnite d'épouvante

Comment un auteur en manque de sujet se rapproche d'un cinglé revendeur de trophées macabres pour y trouver la substance de son prochain ouvrage. Un roman graphique catalogue de perversions, de tueurs en série et d'humour noir à tous les étages.


Après avoir publié Cendres en 2012, qui retraçait peu ou prou le fin mythologique de Gram Parsons, dont le cercueil fut dérobé dans un aéroport, pour être brûlé dans le parc du Joshua Tree, par ses amis; Ortiz s'attaque à une mode contemporaine, la collectionnite des artefacts des serial killers et autres maboules revendeurs de colifichets dans Murderabilia. Là, son auteur Malmö, en manque et d'argent et d'inspiration fait la connaissance d'un étrange collectionneur auquel il apporte les deux matous de son oncle récemment décédé seul, et dont les greffiers ont commencé à se nourrir des restes. Cette avantageuse proximité lui donne le loisir de mettre en perspective  une histoire aussi originale que fascinante, abordant par la bande la mort avec autant de finesse qu'il l'avait fait dans son album précédent. Ne manquant pas d'humour, le roman graphique tient son lecteur jusqu'au bout d'une histoire au dénouement inattendu, avec  des planches foisonnantes de cases pour certaines, transformant la page en une mosaïque de cases au dessin naïf, mais riche de détails dans les décors et les expressions.

Álvaro Ortiz, né à Saragosse en 1983 a fait des études de graphisme à la Escuela Superior de Diseño de Aragón et d’illustration à l’École Massana de Barcelone. Après avoir participé à plusieurs albums collectifs de bande dessinée, il publie en 2005 Julia y el verano muerto, suivi en 2009 par Julia y la voz de la ballena. Cette dernière œuvre, prix 2010 du meilleur auteur révélation au Salon del Cómic de Barcelone, le faire remarquer auprès du public et de la critique. En 2010, il dessine et auto-édite Fjorden, ou les aventures d’un chat dans les fjords norvégiens. Entre 2011 et 2012, il écrit et dessine Cendres, réalisé en grande partie pendant sa résidence à la Maison des Auteurs d’Angoulême.

 

La murderabilia, c'est-à-dire la collection de reliques macabres est souvent méconnue, mais depuis les séries zombiesque et les jeux vidéo afférents, la consultation de sites web spécialisés révèle des trésors de glauquitude : des confessions de Ted Bundy aux dessins de John Wayne Gacy en passant par des statuettes de Charles Manson, le marché officiel fait déjà frémir, on tremble dès lors à l'idée de ce que les sites clandestins peuvent offrir… De l'audace, du courage, de l'humour, noir - très noir. Violemment réussi.

Jean-Pierre Simard
 
Murderabilia par Alvaro Ortiz ( Editions Rackham 2015)